Soutenez

Covoiturage: une réflexion à entamer sur le harcèlement

covoiturage
Photo: Pablo Ortiz/Métro

Raphaëlle* avait l’habitude de faire du covoiturage avec des inconnus pour amortir les coûts de l’utilisation de sa voiture. Mais il y a quelques mois, un homme l’a contactée par Facebook pour le trajet Québec-Montréal. Et l’expérience a changé ses habitudes.

«Il est arrivé avec son propre siège, relate-t-elle. C’était étrange, mais je respectais son choix. Quand je me suis retrouvée seule avec lui, il m’a demandé de l’aider à s’attacher. Cela nécessitait que je mette ma main au-dessus de son entrejambe. Je n’étais pas à l’aise, mais c’était inoffensif, alors je me sentais mal de dire non.»

«Sauf qu’il me l’a demandé à plusieurs reprises», poursuit-elle. À un moment, Raphaëlle a choisi d’informer des amis, par messages, de la situation. «Ça commençait à devenir louche, je n’aimais pas ça», raconte-t-elle.

Une fois arrivée à destination, Raphaëlle affirme avoir gentiment demandé à l’homme de sortir de son véhicule, ce qu’il a refusé de faire. «Il m’a demandé de faire un tour d’auto, en me proposant plus d’argent. Il insistait. Il ne voulait toujours pas sortir. Il s’est assis de l’autre côté de la banquette et il m’a demandé de s’asseoir dans son siège. J’ai refusé et j’ai insisté pour qu’il parte. Il l’a fait, mais au bout de plusieurs minutes.»

Raphaëlle a par la suite alerté la police. Celle-ci lui a confirmé qu’il s’agissait d’un cas d’agression sexuelle, mais faute de preuve pour identifier le suspect, la plainte n’a pas été retenue.

Conscience de l’industrie
Le responsable de Poparide Covoiturage, Philippe Langlois, est bien au fait de l’existence du harcèlement dans les services de covoiturage. L’été dernier, il avait déjà demandé à tous ceux qui profitaient des services de son entreprise de bien se tenir.

«À tous ceux qui pensent que c’est correct d’écrire à une fille à plusieurs reprises après un covoiturage. Désolé, mais c’est pathétique comme comportement […] On n’est pas dans un bar. On n’est pas sur Tinder», écrivait-il en juillet dernier dans un groupe Facebook réunissant des clients de son entreprise.

«Je recevais plusieurs plaintes de filles, mentionne M. Langlois en entrevue à Métro. Je trouvais qu’il n’y avait pas de gars qui prenaient la parole. Je voyais que c’était à moi de dire que ça n’a pas de sens, que c’est out le harcèlement dans notre milieu. Plusieurs personnes ont apprécié. J’ai senti que c’était important d’en parler.»

Le jeune entrepreneur dit n’avoir «aucune tolérance pour l’abus» sur sa plateforme.

«Si la personne n’agit pas selon nos règles, on la bloque. C’est qualité avant quantité. On préfère avoir un bon conducteur que 10 qui sont susceptibles de mal se comporter avec nos membres.» – Philippe Langlois, responsable de Poparide Covoiturage

Même son de cloche du vice-président marketing de Caribook, Sébastien Cliche-Roy. «Je n’ai pas de misère à croire que c’est quelque chose qui arrive dans le milieu du covoiturage, avoue-t-il à Métro. Le fait qu’on n’en ait pas beaucoup entendu parler témoigne peut-être du problème, du fait que ça arrive et que personne n’en parle.»

Le malaise de la clientèle est selon lui «beaucoup plus grand dans des groupes Facebook que par l’entremise d’une entreprise». «Sur les réseaux sociaux, on n’a aucun background, aucune information sur la personne, alors que de notre côté, sur une application, on peut offrir une certaine sécurité», tranche-t-il.

Patrick Gentes, lui, est justement administrateur de plusieurs groupes de covoiturage sur Facebook. Il avoue avoir reçu plusieurs plaintes au fil des années.

«Qu’un gars montre des photos de lui nu ou même des photos de son organe génital, en disant « regarde ce que tu manques », c’est déjà arrivé.» – Patrick Gentes, administrateur de groupes de covoiturage sur Facebok

Les covoitureurs ayant de mauvaises intentions peuvent aisément créer de faux profils sur les réseaux sociaux, souligne M. Gentes. «Les gens se sentent en sécurité derrière leur écran, ils en profitent peut-être plus que sur une application encadrée, où tu dois donner ton numéro de carte de crédit», soutient-il. D’autant plus qu’il est difficile pour les entreprises de covoiturage de s’assurer de la qualité des services puisqu’elles ne sont pas présentes dans la voiture au moment du trajet, ajoute-t-il.

Des solutions?
Caribook et Poparide Covoiturage ont pour leur part mis en place une procédure de signalement. «Dès qu’il y a un problème, on peut facilement nous écrire et nous pouvons prendre les décisions nécessaires», avise Philippe Langlois.

Patrick Gentes suggère de son côté de lancer des campagnes de sensibilisation à grande échelle sur les réseaux sociaux.

«Inviter les gens à respecter l’autre, être courtois et envoyer un message clair, peut-être que ça serait bon d’y penser dans notre milieu», lance-t-il en fin d’entretien.

Quelques mois après sa mésaventure, Raphaëlle a cessé de consulter les sites de covoiturages, ne se sentant plus en sécurité à l’idée d’embarquer des inconnus dans sa voiture. «Depuis, les seules personnes que j’embarque, ce sont des filles ou des amis proches», laisse-t-elle tomber.

*Prénom fictif

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.