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Demandeurs d’asile : un recours judiciaire intenté pour permettre l’accès aux garderies subventionnées

Me Sibel Ataogul, Me Guillaume Grenier et Jennifer Lys Grenier, de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TRCI). Photo: Vanessa Hébert

Des avocats prennent la voie des tribunaux pour faire annuler l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite qui, depuis avril 2018, empêche les demandeurs d’asile d’avoir accès aux garderies subventionnées pour leurs enfants.

«Cette exclusion est discriminatoire et contraire au droit à l’égalité prévu dans les Chartes québécoise et canadienne», a déploré Me Sibel Ataogul mercredi matin.

Au Québec, les demandeurs et demanderesses d’asile dans l’attente du statut de réfugié avaient accès aux garderies subventionnées, mais il y a eu un renversement de l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite en avril 2018, sous le précédent gouvernement.

Me Ataogul et son collègue, Me Guillaume Grenier, ont décidé d’entamer ce recours, car le gouvernement actuel «continue l’exclusion».

La pédiatre Gillian Morantz a expliqué avoir remarqué qu’au-delà de l’aspect discriminatoire de la situation, celle-ci entraîne surtout des répercussions importantes dans le développement, l’apprentissage et le bien-être de ces enfants.

«Le temps d’attente pour la décision d’une demande d’asile est souvent de près de deux ans. Le manque d’accès aux services de garde pendant cette période pour un jeune enfant est une opportunité manquée», a-t-elle fait valoir.

Venue témoigner, accompagnée de trois de ses sept enfants, Clarisse Amani a confié que plusieurs de ses enfants enregistrent un retard, principalement au niveau du langage, dû au fait qu’ils ne peuvent aller en garderie et socialiser avec d’autres enfants.

«Mon fils de trois ans a de la difficulté à parler, et ma fille de bientôt cinq ans ne connaît pas bien le français. Je sais qu’elle aura des problèmes à l’école», s’est-elle attristée.

Selon Jennifer-Lys Grenier, de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, cette exclusion est particulièrement discriminatoire pour les femmes, qui sont nombreuses à venir ici en tant que mères monoparentales, devant rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants.

C’est le cas de Hié Grottier Paule, au Québec depuis 20 mois, qui a qualifié d’«incompréhensible» la situation dans laquelle elle se trouve.

Même en ayant obtenu son permis de travail rapidement, elle se dit «réduite à l’aide sociale», comme elle ne peut envoyer son enfant en garderie.

«Je suis venue ici pour tourner la page, mais je ne suis pas capable de me construire une vie», a-t-elle confié.

Pour Jennifer-Lys Grenier, tous les ministères doivent être préoccupés par la question.

«Ça aura des répercussions dans le système scolaire, car ces jeunes sont privés de socialisation, mais aussi sur le marché du travail. En plein contexte de pénurie, ces femmes ont des permis de travail, mais elles ne peuvent pas aller travailler. Ça ne fait tout simplement aucun sens d’un point de vue social et économique», a-t-elle lancé.

Dre Morantz a mentionné avoir rencontré le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, à ce sujet un peu plus tôt cette année. Or, le ministre aurait répondu qu’il attendait des discussions et du financement du fédéral.

«Tout ça est sous juridiction provinciale. C’est le Québec qui a décidé ça, qui a changé le règlement. C’est aussi le gouvernement provincial qui fait en sorte que les jeunes demandeurs d’asile ont accès à l’école, donc pourquoi pas la garderie? Demander de l’argent au fédéral n’a aucun lien», a déploré Me Ataogul.

Le recours sera déposé officiellement au courant des prochains jours.

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