Soutenez

Les bénéfices de Yaz et Yasmin remis en cause

Photo: Anicée Lejeune/Métro

Si la pilule reste aujourd’hui la méthode contraceptive la plus utilisée au Canada, la composition de certaines d’entre elles est jugée dangereuse depuis des années. Les bénéfices des pilules Yaz et Yasmin ont été remis en cause dans plusieurs études internationales. Des décès et des effets secondaires sérieux ont même été signalés.

Depuis la mise en marché des pilules Yasmin et Yaz, on constate sur le site de Santé Canada que 15 décès sont imputables à la première et 8 à la seconde. Les décès de ces femmes, âgées de 14 à 44 ans, sont dans la majorité des cas dus à une embolie pulmonaire, à un arrêt cardiaque, à une thrombose cérébrale, à un anévrisme intracrânien ou à une thrombose. Des chiffres alarmants si on considère que prendre la pilule n’est pas censé être mortel.

D’abord approuvées par Santé Canada en 2004 et en 2008, les pilules de quatrième génération Yasmin et Yaz, qui ont la particularité de maîtriser l’acné, ont fait l’objet en 2011 d’un nouvel examen d’innocuité. L’étude a montré que le progestatif drospirénone contenu dans ces deux pilules pose un risque de caillots sanguins augmenté par rapport aux autres pilules. «Ces produits peuvent être associés à un risque de caillots sanguins de 1,5 à 3 fois plus élevé que d’autres contraceptifs oraux», peut-on lire sur l’avis émis par l’organisme en décembre 2011. En comparaison, les risques des autres pilules sont de 1 pour 10 000.

Contacté par Métro, Santé Canada indique que «les risques de caillots sont rares, mais connus pour tous les contraceptifs oraux et clairement mentionnés dans la monographie des produits».

Cas vécus
Maélie Cusson, 19 ans, fait partie des cas sérieux signalés. En 2010, alors qu’elle prenait Yaz depuis 1 an, elle est victime d’une thrombophlébite. «J’ai dû être hospitalisée un mois parce que je faisais une thrombophlébite. J’ai été sous héparine [un anticoagulant]», raconte la jeune femme de Deux-Montagnes.

Les urgentistes ont immédiatement fait le lien avec sa pilule contraceptive. «Pour eux, c’était une évidence. Il y avait déjà eu plusieurs autres cas», souligne-t-elle. Malheureusement, l’adolescente de 16 ans a souffert de complications. «J’ai eu une embolie pulmonaire. Les médecins ont eu peur et m’ont posé un dispositif parapluie dans une artère pour empêcher les caillots de remonter jusqu’au cerveau», se souvient Maélie.

Si elle a évité le pire, la jeune femme garde des séquelles lourdes. Condamnée à prendre des anticoagulants pour voyager, mais aussi lorsqu’elle sera enceinte, elle doit porter des bas de compression et a de la difficulté à rester debout. Aujourd’hui, Maélie ne peut même plus prendre de pilule contraceptive.

Il y a un an, elle s’est inscrite au recours collectif contre Bayer et espère obtenir justice. «Il faut que ça aboutisse à quelque chose pour éviter que d’autres filles vivent ce que j’ai vécu», ajoute-t-elle.

Fanny Bourrel, 28 ans et étudiante, était elle aussi sous Yaz depuis 1 an et demi quand elle a décidé fin 2009 de cesser, de sa propre initiative, de la prendre. «J’avais des maux de tête sévères que je n’avais pas eu avec mon ancienne pilule. J’avais la sensation de m’empoisonner à chaque pilule que j’ingérais», raconte-t-elle. Elle décide alors de faire quelques recherches sur Yaz et découvre que des études évoquent des risques graves. Pourtant, son médecin ne les lui avait pas mentionnés.

Alors que les effets secondaires graves sont connus, les femmes sous Yaz et Yasmine avec qui Métro a discuté n’en ont jamais été averties par leur médecin.

Le Collège des médecins précise pour sa part que «le médecin peut prescrire cette pilule s’il croit que c’est la meilleure pour sa patiente. De façon générale, les médecins sont au courant des effets secondaires des médicaments qu’ils prescrivent et doivent, en théorie, en faire la mention», a ajouté Lisa Labranche, porte-parole du Collège des médecins.

Même discours à la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), qui s’appuie sur les indications de Santé Canada. «Les membres de la SOGC en sont arrivés à la conclusion qu’aucune raison ne pourrait laisser croire que les contraceptifs oraux, y compris ceux renfermant de la drospirénone, peuvent entraîner des conséquences graves pour la santé», peut-on lire dans le document envoyé à Métro. Par ailleurs, la directrice des communications et de l’éducation publique de la SOGC, Nathalie Wright, souligne que, même si «ces documents datent de 2010, les conclusions demeurent pertinentes à ce jour».

Pourtant, l’avis de mise en garde émis par Santé Canada, rappelons-le, date de 2011.

Des risques connus
Lorsque Métro s’est entretenu avec Christine, du service des informations médicales destiné aux professionnels de la santé de Bayer, elle a indiqué qu’il y avait de l’information au sujet des risques associés à Yaz et Yasmin. «Oui, il y a des risques de thrombose avec ces pilules, mais il n’y a rien de nouveau à ce sujet. Yaz et Yasmin sont approuvés pour la contraception et l’acné», lâche-t-elle.

Malgré les faits et les nombreuses plaintes à son encontre, le géant pharmaceutique Bayer se veut rassurant. «Des organismes de réglementation, des experts indépendants et des scientifiques de Bayer ont évalué de manière approfondie les données disponibles et ont conclu que les produits à base de drospirénone sont sûrs et efficaces, et qu’ils présentent un profil de risques et de bienfaits favorable lorsqu’ils sont utilisés selon les indications», a indiqué la directrice des communications de la filiale canadienne de Bayer, Marija Mandic.

Plusieurs études récentes ont montré des effets secondaires graves en lien avec ces deux pilules. «Si on regarde l’historique des études sur Yaz et sur Yasmin, on constate qu’il y a eu un signal d’augmentation de ces risques au moins deux ans avant les dernières études, publiées en 2011 et en 2012», indique Barbara Mintzes, épidémiologiste à l’École de santé publique de l’Université de la Colombie-Britannique. Elle souligne d’ailleurs que ces effets secondaires graves ne concernent pas seulement les pilules de quatrième génération qui contiennent de la drospirénone, mais aussi celles de la troisième génération. «Si c’était un médicament qui était indispensable, les risques vaudraient la peine d’être pris. Cependant, il s’agit d’une pilule contraceptive, et il y en a une vingtaine d’autres sur le marché», souligne Mme Mintzes. L’épidémiologiste croit que ces pilules devraient être retirées du marché.

Laboratoires à la barre

Bayer, qui a vu son chiffre d’affaires progresser de 11,5 % en 2012 pour attein­­dre 13 G$, est actuellement sous le coup de plusieurs poursuites judiciaires dans le monde, pour ses pilules contraceptives Yaz et Yasmin. Aux États-Unis, Bayer a récemment annoncé qu’elle avait accepté de verser 750 M$ pour régler les plaintes de 3 490 femmes victimes de caillots sanguins causés par ces pilules. En octobre dernier, la firme a indiqué que 12 400 autres plaintes avaient été déposées contre elle.

En France, des centaines de plaintes ont été déposées contre différents fabricants de pilules contraceptives, dont Bayer. Par ailleurs, l’Agence française de la sécurité du médicament a rappelé aux médecins de privilégier les pilules de deuxième génération plutôt que celles de troisième et de quatrième générations. En Australie, en Suisse, en Belgique et en Allemagne, des procédures judiciaires sont également en cours depuis plusieurs années.

***

En chiffres

  • 303: C’est le nombre de rapports d’effets indésirables graves associés à la pilule Yasmin, qui ont été signalé à Santé Canada depuis sa mise sur le marché en 2004.
  • 242: C’est le nombre de rapports d’effets indésirables graves associés à la pilule Yaz, qui ont été signalé à Santé Canada depuis sa mise sur le marché en 2008.
  • 3: Le risque chez les femmes qui utilise un contraceptif au lévonorgestrel est de 1 sur 10 000, il est de 1,5 à 3 sur 10 000 chez celles qui prennent un contraceptif à la drospirénone.
  • 2: Selon IMS Santé Canada, les pilules Yasmin et Yaz ont été prescrites plus de 2 millions de fois en 2009.

***

Pour s’y retrouver

Voici les progestatifs que contiennent les différentes pilules sur le marché :

  • 2e génération : Lévonorgestrel ou Norgestrel
  • 3e génération : Norgestimate ou Gestodène ou Désogestrel
  • 4e génération : Drospirénone

Les femmes qui ont subi des inconvénients à la suite de l’utilisation de Yasmin ou de Yaz, peuvent visiter le www.classaction.ca

À lire aussi: notre article Diane-35, sur la sellette

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.