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Crise au Chili: Ottawa doit agir rapidement, tranche un collectif québécois

Quatre membres du collectif envoyé en mission d'observation pendant la crise au Chili.
Le collectif était réuni lundi matin, au Centre Saint-Pierre à Montréal. Photo: Josie Desmarais/Métro

Quelques jours après leur retour au Québec, les membres du collectif en mission d’observation au Chili, pays secoué par une grave crise sociale, sont unanimes. Les violations des droits humains et la répression y sont grandissantes, dans un contexte de grave instabilité sociale, d’intimidation de la population et de criminalisation de la protestation. Le groupe enjoint Ottawa à se mobiliser.

«On est profondément inquiets, surtout qu’on annonce en mars une énorme mobilisation», a soutenu lundi la spécialiste des conflits socioéconomiques de l’UQAM, Isabel Orellana.

Plusieurs organisations de défense des droits humains ont  lancé un appel à la mobilisation sans précédent, le 8 mars. En plus des blessures, violences et abus sexuels et la négligence des procédures judiciaires, le collectif dit avoir été témoin de l’absence d’un protocole d’intervention policière et judiciaire. Sur plus d’un millier de plaintes déposées au tribunal, seules 38 d’entre elles ont été «formalisées».

Alors que l’Observatoire des droits humains et de la liberté d’expression (ODHLE) a rapporté 160 incidents, dont 96 personnes blessées et 27 arrestations, l’Observatoire du droit à la communication du Chili parle de 138 cas d’attaques, de menaces ou d’intimidation. Près de 50 journalistes auraient été agressés par la police.

«Tous ces chiffres ne sont que la pointe de l’iceberg. Dans certaines villes, il n’y a que quatre observateurs. Ça donne une petite fraction de ce qui se passe réellement. C’est d’une ampleur énorme.» -Marcos Ancelovici, titulaire de la Chaire de recherche canadienne en sociologie des conflits sociaux.

Le Canada appelé à l’action

Plusieurs intervenants ont sommé le gouvernement Trudeau d’agir, comme il l’avait fait pour le Venezuela il y a quelques mois.

Le député du Bloc québécois, Simon-Pierre Savard-Tremblay, a promis d’exiger des comptes d’Ottawa. «Ça va prendre beaucoup de pression, parce qu’on ne pense pas que le gouvernement le fera lui-même. On va faire des démarches pour rencontrer les ministres concernés, et amener ça dans le débat public», a-t-il promis.

La question des minières chiliennes, financées à presque 70% par des entreprises canadiennes, est aussi un levier selon lui, dans un contexte de crise sociale et politique.

«Ces minières ont le soutien diplomatique et financier de l’État canadien. Elles ne peuvent pas non plus être poursuivies en vertu de nos lois. Et il n’y a pas de tribunal qui peut vraiment trancher.» -Simon-Pierre Savard-Tremblay, député bloquiste

D’après la leader syndicale à la FTQ, Denise Gagnon, l’enjeu est résolument national. «Il doit y avoir un contrôle de la responsabilité sociale de ces compagnies. On va se battre pour l’obtention d’un ombudsman, ou d’un tribunal criminel indépendant», a-t-elle renchéri.

Selon le collectif, l’industrie fragilise d’autant plus l’approvisionnement en eau du Chili, qui traverse «la pire crise hydrique de son histoire». Une quarantaine de communes n’auraient plus accès à l’eau potable.

Vague d’espoir pour le Chili?

Malgré ses préoccupations, le collectif dit vouloir miser sur les processus de reconstruction civile au Chili, qui prend forme malgré la crise. «La prise en charge collective se fait en vue d’un processus constitutionnel depuis la base. Partout dans les régions, il y a des comités qui se forment. Il y a une soif de démocratie qui s’installe. Moi, ça me donne confiance en l’avenir», ajoute Denise Gagnon.

Son collègue Luc Allaire, président du Centre international de la solidarité ouvrière (CISO), envisage aussi de meilleurs jours.

«Les organismes ne font plus confiance au système de justice. Il y a une volonté importante pour que la Cour internationale se penche sur le cas du Chili», lâche-t-il.

Pour l’essayiste Pierre Mouterde, il faudrait que des députés provinciaux et fédéraux participent aux prochaines missions en sol chilien. Elles doivent se tenir en avril. Le collectif a réalisé 65 heures d’entrevue à Santiago, Antofagasta et Valparaiso. Entre le 18 et le 26 janvier, 99 personnes et 51 organisations ont été rencontrées.


Ottawa «suit de près»

Appelée à réagir, la porte-parole au ministère des Affaires étrangères, Marianne Goodwin, assure que le Canada «suit de près la situation au Chili».

«Nous rencontrons régulièrement des fonctionnaires du gouvernement chilien et des représentants d’organisations de la société civile, dit-elle. Les manifestations pacifiques représentent une part importante du processus démocratique permettant aux Chiliens d’exprimer leur point de vue.»

Selon Ottawa, «le gouvernement du Chili a adopté une approche inclusive afin de trouver une solution» et prend actuellement «des mesures importantes pour répondre aux préoccupations de ses citoyens, notamment la décision d’organiser un référendum sur la constitution chilienne».

«La volonté du Chili de travailler avec les mécanismes internationaux des droits de l’homme est un pas important vers la responsabilisation», ajoute Mme Goodwin.

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