Soutenez

Le Québec «devra propulser» l’alimentation locale au sortir du coronavirus

Une dame dans une épicerie
Photo: Archives Métro

S’il veut assurer sa stabilité, le Québec devra s’assurer que «plus de la moitié» des aliments en circulation proviennent de fermes locales. C’est du moins ce que plaident 15 organisations syndicales et environnementales dans un rapport envoyé au gouvernement Legault mercredi. Ils suggèrent un plan de relance «équitable et durable» dans plusieurs domaines, dont l’agriculture.

«Avec la pandémie de coronavirus, on se rend compte que notre capacité de se nourrir va faire partie de notre résilience dans le futur, explique à Métro le directeur de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand. Les terres se raréfient. Ça va devenir de plus en plus important de produire par nous-mêmes. Il faut développer notre autonomie alimentaire, notre alimentation locale.»

Plusieurs autres organismes, dont la FTQ, le Chantier de l’économie sociale, Vivre en ville, l’Ordre des urbanistes, Équiterre ou encore le Conseil du patronat (CPQ), partagent ce constat. Selon des données de l’Union des producteurs agricoles (UPA), la proportion d’aliments provenant des fermes locales au Québec est d’environ «un tiers» actuellement. Elle atteint 55% lorsqu’on y ajoute les produits transformés.

«Quand on parle d’autonomie, on ne parle pas de protectionnisme, raisonne le président du CPQ, Yves-Thomas Dorval. La crise nous fait réaliser que plus on sera en mesure de fournir localement, moins on sera dépendants de la chaîne de production. C’est très important d’avoir cette capacité domestique éventuellement.»

Des mesures à mettre en place

Pour atteindre la cible du 50% et plus, les organisations-membres suggèrent d’accroître les achats d’aliments québécois dans les écoles, les hôpitaux et les ministères. Ils appellent à «soutenir les systèmes de proximité», dont les marchés publics et les initiatives de «lien direct» avec les agriculteurs.

De plus, la coalition trouve essentiel d’accélérer la révision des règles «qui nuisent à l’émergence d’une agriculture locale et la création de circuits courts en alimentation». Il faut plutôt rapprocher les étapes de production, de transformation et de distribution, dit-on.

«Le secteur agroalimentaire est fortement ébranlé en raison de sa forte dépendance aux échanges internationaux. Privilégier l’achat de produits et de services locaux contribue à soutenir l’activité économique.» – La coalition, dans une lettre adressée au premier ministre François Legault

Il faudra enfin «soutenir les pratiques agricoles résilientes», face à la crise environnementale. «Discuter de ça aujourd’hui peut paraître étrange. Mais ce sera autre chose dans 25 ans. La réalité des changements climatiques va durement frapper l’approvisionnement. Il faut s’y préparer maintenant», lâche Karel Mayrand.

À quand une vraie alimentation locale?

Depuis quelques années déjà, Thibault Renouf dirige Arrivage. Il s’agit d‘un réseau d’agriculteurs et de restaurateurs ayant pour objectif de revoir l’approvisionnement alimentaire, en créant des circuits courts entre chaque artisan. Objectif: atteindre une «agriculture raisonnée et artisanale».

«On a la capacité de nourrir toute la province à travers une agriculture de proximité, dit-il. Il faut juste lui laisser la place qu’elle mérite.»

M. Renouf dénonce que le Québec est depuis trop longtemps «un lieu de dumping des produits du marché nord-américain». «Il y a des producteurs des États-Unis qui nous envoient leurs produits à des prix très bas, histoire de se débarrasser de leurs stocks. Sauf que la production locale et artisanale, elle ne peut pas faire compétition en termes de prix. C’est de la concurrence déloyale», illustre-t-il.

«Il y a des moyens d’être créatifs pour supprimer les barrières à l’entrée pour les petits producteurs. Déjà, la culture change; les gens sont prêts à payer plus pour des aliments d’ici.» – Thibault Renouf, fondateur d’Arrivage

Lui aussi préoccupé par l’impact de la COVID-19, l’organisme mettra sur pied une nouvelle initiative locale nommée le «Club Arrivage». Le but serait d’éventuellement créer une «solution d’alimentation locale» en circuits courts, via des restaurants ou des commerces de proximité.

Québec se dit en action

Appelée à réagir, la porte-parole au cabinet du ministre de l’Agriculture, Laurence Voyzelle, affirme que «l’accroissement de l’achat local est une priorité» depuis l’arrivée au pouvoir de la CAQ.

«Le premier ministre rappelle couramment l’importance pour le Québec d’être encore plus autonome. Nous travaillons depuis le début de notre mandat sur une politique pour augmenter la part d’achat d’aliments québécois à l’intérieur des institutions gouvernementales. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du plan stratégique présenté en décembre dernier.» -Laurence Voyzelle, porte-parole du ministre de l’Agriculture

Plus largement, la plupart des actions proposées par la coalition «sont partagées depuis longtemps par notre gouvernement», affirme-t-elle. Le cabinet cite au passage les bénéfices importants qu’aura le Panier bleu, «qui connaît un grand succès» depuis son lancement.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.