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Entrevue avec Karel Mayrand: la crise sanitaire, un avant-goût de la crise climatique

Karel Mayrand, directeur général de la fondation David Suzuki au Québec. Photo: Gracieuseté - Fondation David Suzuki

Quelles leçons doit-on tirer de la crise de la COVID-19 dans notre lutte face aux changements climatiques? Métro Média s’est entretenu avec le directeur général de la fondation David Suzuki au Québec, Karel Mayrand.

La crise de la COVID-19 a provoqué tout un choc dans notre quotidien. Est-ce qu’il y a un parallèle à faire avec ce que nous réservent les changements climatiques?

La COVID-19, c’est une pratique générale de choses qui vont se produire à l’avenir. Ce que ça montre, c’est que nos sociétés occidentales qu’on pensait indestructibles peuvent aussi être mises à mal. La question qu’on doit se poser, c’est si on est capables de vivre des chocs comme celui de la COVID-19 à répétition. On sait que les changements climatiques vont nous amener des chocs météorologiques, économiques et sociaux. Face à ces chocs, notre résilience est vraiment fondamentale et il faut travailler pour que nos sociétés le soient plus.

La période de crise a amorcé plusieurs discussions sur la fragilité des chaînes d’approvisionnement internationales et l’importance de tendre vers l’autosuffisance économique. Est-ce qu’il s’agit d’une voie bénéfique pour la planète?

Dans les dernières décennies, on a perdu ce lien avec cette économie locale. Il faut le retrouver, parce que ça nous rend plus résilients et ça réduit notre empreinte écologique. Je pense que c’est urgent pour le Québec de commencer à réfléchir à long terme pour avoir un minimum de capacités de s’approvisionner localement, notamment sur le plan de l’alimentation, pour être plus résilients.

La crise a un impact majeur sur l’industrie du tourisme international, alors que voyager était devenu particulièrement accessible. Est-ce le temps de repenser ces habitudes, considérant leur empreinte écologique?

La diminution des voyages va arriver naturellement parce que les gens vont être plus craintifs de voyager et auront moins d’argent pour le faire. J’aimerais que mes enfants continuent de voyager parce que ça permet de découvrir d’autres cultures, mais le nombre de voyages internationaux avait augmenté énormément depuis 25 ans. Peut-être qu’il faut aller vers des voyages qui sont plus faibles d’empreinte et distancer nos voyages, surtout ceux en avion. Les gens plus aisés qui voyageaient beaucoup peuvent se serrer la ceinture.

Quel impact pensez-vous que la crise aura dans la lutte aux changements climatiques?

Les fondamentaux de la lutte pour les changements climatiques ne changeront pas. Les jeunes n’abandonneront pas la cause parce qu’elle définit leur génération. Au plan technologique, les énergies renouvelables sont en train d’arriver à maturité et les coûts diminuent sans cesse, donc la transition vers celle-ci ne s’arrêtera pas. [à cause d’une crise économique]. Je pense que la résilience qu’on va développer nous sera utile face aux changements climatiques, mais il va rester encore beaucoup de travail à faire [pour la conscientisation].

Pensez-vous que la distanciation sociale, qui pourrait durer, peut avoir des effets négatifs sur l’atteinte des objectifs climatiques?

Il y a six mois, nous étions un demi-million de personnes dans la rue. Maintenant, on ne peut pas être plus que deux. Ça donne une idée à quel point redémarrer le mouvement citoyen va être difficile parce que le principal moyen d’action qu’on avait c’était les manifestations. Culturellement, les gens vont peut-être être portés à s’isoler un peu plus qu’avant et ça va prendre un certain temps avant qu’ils regagnent confiance, mais ils vont éventuellement finir pas retourner dans l’autobus et dans le métro comme ils vont finir par retourner aux festivals, par exemple.

Le jour de la Terre fête ses 50 ans dans un contexte exceptionnel. Quelle voie devrait-il prendre pour l’avenir, selon vous?

Le jour de la terre a beaucoup été axé sur les gestes qu’on peut faire individuellement pour améliorer l’environnement. Ce qu’on se rend compte, c’est que quand quelque chose comme les changements climatiques ou le COVID-19 nous frappe, il faut que tout le monde fasse les mêmes gestes en même temps. Pour ça, ça prend des décisions collectives. On a un gouvernement qui a le courage de mettre des contraintes suprêmes sur des libertés individuelles, pourquoi donc ne pas accepter de mettre certaines contraintes très mineures sur les choix des gens avec des objectifs environnementaux? On se rend compte que quand les élus ont le courage de l’expliquer, les gens suivent parce qu’ils trouvent que c’est légitime.

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