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COVID-19: environ 600 procès ont déjà été reportés en Cour supérieure

S'il est «trop tôt» pour s'avancer sur la relance du milieu de la justice, les travaux en coulisses avanceraient rondement pour y arriver. Photo: Chantal Lévesque | Métro

La crise du coronavirus affecte durement le secteur de la justice. Des centaines de procès ont été reportés depuis le début mars à la Cour supérieure, ce qui représenterait plus d’un millier de journées à rattraper. Le gouvernement Legault, préoccupé par la situation, affirme qu’un plan de relance est déjà en préparation.

«Depuis mars, il y a eu environ 600 procès reportés, ce qui représenterait 1500 jours-juge», écrit l’avocat et membre du comité de liaison avec la Cour supérieure, David Éthier, dans un échange de courriels dont Métro a obtenu copie.

La Cour craint actuellement «une avalanche de nouvelles procédures lorsque les activités normales reprendront». La plupart des procès prévus en mai seront reportés, et seule la moitié des causes prévues en juin pourront être entendues, surtout les plus urgentes. Plusieurs scénarios sont envisagés pour sortir de l’impasse, dont la tenue de procès en soirée ou les week-ends et l’appel à des juges retraités pour accélérer la cadence.

Jusqu’à 130 «procès virtuels» pourraient également être tenus dans les prochains jours.

Faut-il plus de juges?

Aux yeux de l’avocate Sophie Gagnon, qui dirige aussi la clinique juridique Juripop, la réalité fait écho à celle du réseau de la santé actuellement. «On est en train de se créer un beau casse-tête. Notre système de justice était déjà surchargé, donc c’est certain que ça risque d’aggraver les choses», indique-t-elle.

Le juge en chef de la Cour supérieure, Jacques R. Fournier, abonde dans le même sens. Il presse Québec et Ottawa de désigner 15 nouveaux juges pour combler les retards. «Plus le temps avance, plus le besoin se fait sentir dans l’immédiat. Ça va continuer de s’accumuler dans les prochaines semaines. Les recettes avec le virtuel ne se prêtent pas à toutes les sauces», indique-t-il à Métro.

D’après lui, les pertes pour le milieu de la justice seront «considérables» si les gouvernements n’agissent pas. «On ne sait pas jusqu’à où et quand va aller cette pandémie. Pour l’instant, on cherche à contrôler les dommages, mais il nous reste encore à voir ce qui arrivera en juin. Il va falloir être très imaginatifs», avoue le juge.

«On va devoir accélérer le pas, parce qu’on va manquer de bras nous aussi à un moment donné.» -Jacques R. Fournier, juge en chef de la Cour supérieure

Un plan de reprise en vue

Jointe par Métro, la ministre de la Justice, Sonia Lebel, se dit actuellement «en discussions» avec différents partenaires. L’objectif serait de mettre sur pied «différentes mesures pour rattraper le retard».

S’il est «trop tôt» pour s’avancer sur la relance du milieu de la justice, les travaux en coulisses avanceraient rondement.

«On élabore un plan de reprise des activités judiciaires en ce moment. Nous allons travailler avec la santé publique pour déterminer la séquence.» -Nicky Cayer, attachée de presse de Sonia Lebel

Au sortir de la crise, la priorité sera de traiter les affaires familiales, notamment des gardes d’enfants ou des pensions alimentaires, rappelle Sophie Gagnon. «C’est là que les humains sont au cœur du litige. Il faut prioriser l’insécurité financière et psychologique», illustre-t-elle.


Gare à l’État de droit, dit un expert

Pour l’expert en droit constitutionnel à l’Université de Sherbrooke (UdeS), Maxime Saint-Hilaire, il sera «très dur» de compenser ce retard, d’autant plus que celui-ci deviendra une autre barrière à l’entrée. «On a une justice qui coûte déjà très cher, ce qui constitue un obstacle. Ces retards deviendront un autre problème d’accès à la justice», relate le spécialiste.

Ce dernier dénonce que dans le contexte, le gouvernement Legault agit de manière «purement politique» en refusant de considérer une suspension des droits constitutionnels, par le biais de sa dérogation comme il l’avait fait pour la Loi sur la laïcité.

«Ça paraît bien de ne pas suspendre les droits de la population. Or, il y a quelque chose d’inquiétant à long terme. On sait très bien que ces droits-là ne pourront être mis en pratique.» -Maxime Saint-Hilaire, professeur de droit à l’UdeS

Il ajoute que «le droit devient ainsi une simple promesse creuse, ce qui est assez contraire à notre tradition qui fait la qualité de l’État de droit». «On agit sur une base purement politique», condamne M. Saint-Hilaire, qui a d’ailleurs consacré un billet sur le sujet.

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