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COVID-19 et inégalités: le Canada n’était pas si mal préparé, dit Oxfam

Une femme porte un masque pour se protéger de la COVID-19
Des trousses d'isolement sont distribuées dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve depuis la mi-octobre. Photo: Dan Kitwood/Getty Images

En matière d’inégalités, la majorité des pays du monde étaient mal équipés pour faire face à la pandémie, avance une étude d’Oxfam publiée jeudi. Celle-ci vise à montrer que les inégalités empirent la crise de la COVID-19 (et vice versa). Le Canada, lui, n’était pas si mal préparé. Mais il pourrait mieux faire encore.

En cause, selon l’analyse d’Oxfam: les maigres dépenses en santé publique des pays, la faiblesse de leurs filets de sécurité sociale et leurs insuffisances en droits du travail. 

Dans ce classement mondial, le Canada occupe la sixième place. Une place honorable qui s’expliquerait entre autres par la part du budget national consacrée aux dépenses de santé, selon Oxfam. Celle-ci s’élevait à 19,5% en 2017. 

Notons que seuls 26 pays sur 158 consacraient la part recommandée de 15 % de leur budget à la santé avant la pandémie, selon l’indice de l’Engagement à la réduction des inégalités (ERI) qui a servi à établir ce classement. 

Les inégalités au Canada au temps du COVID-19

Bien que le Canada n’était pas si mal préparé, il pourrait tout de même s’améliorer, estime Anne Duhamel, directrice des politiques et campagnes d’Oxfam-Québec. Surtout si le pays veut assurer une relance durable, dit-elle. 

Certes, concernant les inégalités et la lutte contre la COVID-19, le Canada est meilleur que bien des pays dans le monde. Mais Duhamel relève le faible budget canadien destiné à la protection sociale lorsque la pandémie a frappé. Celui-ci s’élevait à 25% des dépenses publiques, contre 34,8% en moyenne pour les autres pays de l’OCDE.

Autre problème: les critères d’admissibilité très stricts de ses programmes de protection sociale. Par exemple, l’assurance emploi ne protégeait pas la moitié des salariés au pays, selon elle. 

«Vu l’impact disproportionné que la pandémie a sur les travailleuses et travailleurs, les femmes et les jeunes, le gouvernement devra prioriser des programmes de protection pour ces populations. » – Anne Duhamel

Les plus vulnérables écopent

Pour Katherine Frohlich, professeure titulaire au département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, il est clair que ce sont les personnes les plus vulnérables de la société qui écopent en premier. 

«La COVID-19 a cette particularité de tuer les gens les plus âgés, et ceux qui ont des maladies chroniques, indique cette spécialiste des questions liées aux inégalités sociales au Canada et à la COVID-19. Les gens les moins nantis sont également moins bien protégés sur leurs lieux de travail.»

Au Québec, on a pu le constater chez les préposés aux bénéficiaires ou les gens travaillant dans des abattoirs. Les inégalités en matière de qualité des logements ont aussi surgi. Avec des transmissions et des décès plus importants là où les gens sont entassés, poursuit-elle.

Il y a également un lien à faire entre les inégalités sociales et l’accès à l’éducation, selon la professeure Frohlich. 

«Ce manque [d’accès à l’éducation] se traduit souvent par une méfiance envers les politiciens et le système en général. Et pourtant, suivre les consignes est essentiel.» – Katherine Frohlich

Mais il y a d’autres facteurs à considérer

S’il est vrai que les dépenses d’un pays en santé sont un indicateur important, on ne peut pas s’y fier aveuglément, nuance à Métro le politologue et spécialiste des inégalités sociales Gérard Boismenu.  

«Par exemple, il faut regarder qui fait ces dépenses-là, indique M. Boismenu. Les États-Unis consacrent une part élevée du PIB à la santé et pourtant la protection est très inégalitaire.» 

Selon M. Boismenu, il existe d’autres facteurs pouvant influencer la capacité d’un pays à faire face à la pandémie. Et ce, au-delà des seules inégalités. Il cite par exemple la structuration et la bureaucratisation du système de santé, ou encore la stratégie de la Santé publique (curative ou préventive?). Et, enfin, des variables tels les comportements des individus face à l’application des consignes de sécurité. 

Pour Katherine Frohlich, les failles de la Santé publique en matière de traçage des cas de COVID-19 et l’état des CHSLD au Québec jouent un rôle important dans cette pandémie. 

Et maintenant?

Le taux de mortalité au Canada est plus faible que durant la 1re vague. Ce qui est encourageant, selon la professeur Frohlich: «On a appris à protéger certaines sections de notre population», croit-elle. 

Malgré tout, Oxfam déplore que même les pays aux premiers rangs du classement aient reculé en matière de réduction des inégalités durant la crise de la COVID-19. C’est le cas de l’Allemagne, du Danemark ou de la Norvège. Notamment en ce qui concerne les mesures d’imposition progressive, indique le rapport. 

Enfin, plus largement, Oxfam craint que la pandémie n’aboutisse à un système de santé qui exclut des millions de personnes vivant dans la pauvreté. Tout particulièrement les Afro-Américains et les communautés latines.

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