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La dépendance à l’automobile, un problème systémique?

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Le secteur des transports est responsable de plus de 40% des émissions de GES au Québec. Photo: Josie Desmarais/Métro

La dépendance à l’automobile est un problème systémique bien ancré dans la culture québécoise, constate un chercheur, qui propose diverses solutions pour contrer ce phénomène dans deux rapports consultés par Métro.

Le chercheur de Polytechnique Montréal Jérôme Laviolette présentera lundi midi les résultats de sa vaste recherche sur l’état de l’automobile au Québec, dans le cadre d’une conférence virtuelle organisée par la Fondation David Suzuki.

En entrevue à Métro en prévision de cet événement, il n’hésite pas à décrire la dépendance à l’automobile comme étant un problème systémique au Québec.

«C’est systémique parce qu’il y a une sorte de résistance au changement qui est partout. C’est au niveau institutionnel, mais dans la population aussi», soulève M. Laviolette.

Les chiffres recueillis par ce dernier dans un récent rapport de plus de 50 pages sont d’ailleurs éloquents. Le nombre de véhicules personnels immatriculés a en effet bondi de 64% entre 1990 et 2017 au Québec, alors que la population adulte n’a augmenté que de 25% pendant cette période. Les Québécois se tournent aussi de plus en plus vers des camions légers, comme les VUS et les pick-up, dont le nombre a augmenté de 128% entre 2000 et 2017.

«Le fait qu’on soit pris dans un aménagement du territoire et un style de vie centré sur l’automobile, ça fait en sorte qu’on en devient dépendant et qu’on lui donne plus de fonctionnalités que son aspect utilitaire», souligne le doctorant en génie des transports.

Dans une autre étude publiée ce mois-ci, le chercheur fait d’ailleurs état de certains des aspects psychologiques qui peuvent contribuer à la dépendance à l’automobile. Il y souligne notamment le plaisir de conduire et le sentiment d’indépendance que le fait de posséder une voiture procure à certaines personnes.

Changer les habitudes

Dans un tel contexte, il devient difficile de convaincre les automobilistes d’adopter des habitudes de déplacement plus écologiques, par exemple en migrant vers le transport collectif.

«L’enjeu, c’est que lorsqu’on tente d’amener ces gens-là vers d’autres modes de transport, ils constatent que ça ne leur apporte pas le même confort et la même symbolique», constate M. Laviolette. Cet attachement émotif à la voiture pourrait aussi expliquer pourquoi les projets de transport collectif qui impliquent le retrait d’espaces de stationnement ou de voies de circulation entraînent presque à tout coup une levée de boucliers de la part des automobilistes.

«Et cette résistance aux changements, ça crée une résistance politique», soulève le chercheur.

Ce dernier presse ainsi Québec de déployer des campagnes de sensibilisation pour briser la culture de l’automobile dans la province. Celles-ci devraient, selon lui, aborder non seulement le rôle des véhicules personnels dans les émissions des gaz à effet de serre, mais aussi les impacts économiques et sur la «qualité de vie» reliés à la congestion routière.

«Si on investissait collectivement autant dans la promotion de la mobilité durable avec des campagnes de sensibilisation que les conducteurs automobiles dépensent en publicité, la demande citoyenne pour des infrastructures de transport collectif et actif serait d’autant plus forte», estime également le coordonnateur aux affaires publiques de Vivre en Ville, Samuel Pagé-Plouffe.

«Quand on utilise différents modes pour aller travailler, au final, ça nous coûte toujours moins cher que d’utiliser uniquement sa voiture.» -Jérôme Laviolette, chercheur

Plus d’autoroutes, plus larges

Le règne de l’automobile force aussi le gouvernement du Québec à dépenser des sommes colossales, annuellement, pour réparer des autoroutes. Son récent projet de loi 66 prévoit d’ailleurs d’accélérer plusieurs projets d’élargissement et de construction d’autoroutes dans la province.

«D’un point de vue économique, l’automobile est un boulet pour les Québécois. Ça démontre à quel point on a besoin que le gouvernement fasse un virage rapide, en commençant par ses initiatives de relance», estime le responsable de la campagne Climat-Énergie pour Greenpeace, Patrick Bonin.

«Le gouvernement doit cesser de perdre de l’argent pour élargir des autoroutes et plutôt miser sur des projets de transport collectif», tranche-t-il.

Des cibles réclamées

Jérôme Laviolette recommande par ailleurs l’établissement par Québec d’une cible «claire» quant au nombre de véhicules immatriculés par ménage que devrait compter la province.«Il faut avoir des cibles de stabilisation ou de réduction du taux de motorisation au Québec», martèle le chercheur.

Joint par Métro, le cabinet du ministre des Transports, François Bonnardel, n’a pas commenté cette recommandation.

Par courriel, son attachée de presse, Florence Plourde, rappelle toutefois l’intention du gouvernement Legault de réaliser plus de 200 km de voies réservées d’ici cinq ans dans les couronnes nord et sud de Montréal, le tout afin de lutter contre «l’auto solo». Québec a aussi mandaté CDPQ Infra afin d’étudier l’ajout d’un mode de transport collectif structurant dans l’axe du boulevard Taschereau, à Longueuil.

«Toutes ces actions et ces investissements permettront d’offrir des alternatives aux citoyens afin de réduire le nombre de véhicules sur les routes du Québec. Et nous continuerons nos efforts en ce sens», assure Mme Plourde.

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