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Commissaire à l’éthique: le ministre de l’Économie pourrait être sanctionné

La commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale du Québec recommande de sanctionner le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui a vu son indépendance «influencée» en 2018 lors d’échanges avec un ami – également lobbyiste.

La commissaire, Ariane Mignolet, a confirmé ces manquements dans un rapport déposé jeudi au Salon bleu.

Sous enquête depuis 2019, le ministre Fitzgibbon faisait l’objet de plusieurs signalements concernant la vente de ses actions dans l’entreprise MOVE Protéine à Luc Laperrière, qui agit comme lobbyiste pour plusieurs intérêts.

Les faits remontent à l’automne 2018, année d’élection du député de Terrebonne. Celui-ci est alors nouveau en politique.

À ce moment, M. Fitzgibbon décide de se départir de ses actions dans plusieurs entreprises, dont celles de MOVE Protéine, une compagnie québécoise.

Il fait appel à un ami, M. Laperrière. Devant un match de hockey, ils discutent des possibilités pour M. Fitzgibbon de lui vendre ses actifs, sans négociation. Luc Laperrière acquiesce verbalement ce soir-là, le 8 novembre 2018.

Huit mois

Or ce n’est que plusieurs mois plus tard, en juin 2019, que le ministre se départira de ses acquis auprès de M. Laperrière. Entretemps, le lobbyiste a eu le temps de proposer plusieurs projets économiques à M. Fitzgibbon. «Cela pouvait le placer [Luc Laperrière], en apparence du moins, dans un rapport de force vis-à-vis du Ministre», écrit dans sa décision la commissaire Mignolet.

«J’en arrive à la conclusion que le Ministre détient un intérêt personnel lorsque, dans l’exercice de sa charge, il discute avec monsieur Laperrière des projets de ces clients.» – extrait du rapport

Des députés des oppositions avaient également averti le Commissaire à l’éthique et à la déontologie de possibles manquements quant à la nomination de son ami Guy LeBlanc à titre de président d’Investissement Québec. Dans ce dossier conjoint, la commissaire a opté pour le blanchiment. Le dossier est «clos», a maintenu le ministre jeudi, à Québec.

Ce n’est pas non plus la première fois que M. Fitzgibbon fait l’objet d’une enquête du Commissaire à l’éthique. Dès son élection, le nouveau ministre avait dû se défendre de détenir des actions dans un sous-fournisseur de Bombardier, compagnie qu’il avait défendue malgré des difficultés.

Sanction ou non?

Pour activer la sanction recommandée par la commissaire, l’Assemblée nationale doit voter en faveur aux deux tiers de la chambre. La Coalition avenir Québec étant majoritaire, le vote de ses députés sera primordial pour la décision finale.

Jeudi, le premier ministre François Legault a souligné qu’il voterait en faveur d’une sanction. «Contrairement aux libéraux qui avaient voté contre le rapport de la Commissaire à l’éthique sur Pierre Paradis, moi, je vais recommander à mon caucus [de voter pour]», a lancé l’élu, jeudi.

M. Paradis, ex-ministre libéral, avait été blâmé par le Commissaire en 2018 pour avoir utilisé à tort des fonds publics. Son parti, majoritaire, avait voté unanimement contre une sanction.

Aucun projet mené à terme

Devant les médias, quelques minutes après le dépôt du rapport, le ministre Fitzgibbon a pour sa part convenu de l’«apparence de conflit d’intérêt» dans ses relations avec M. Laperrière. Or, a-t-il ajouté, aucun des projets moussés par son ami n’ont été menés à terme.

«Il n’y a eu aucune malversation. […] On parle de procédures», a indiqué l’élu de la Coalition avenir Québec.

«Est-ce que j’aurais pu être plus prudent dans cette situation? Probablement.» – Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie

Interrogé sur son avenir en politique, l’homme d’affaires – qui est relativement novice en politique – a maintenu que ce rapport ne le pousserait pas vers la porte. Mais le Code d’éthique des élus de l’Assemblée nationale mérite d’être dépoussiéré, a-t-il ajouté.

«Je souhaite ardemment que le service public devienne plus attirant pour les gens issus du monde des affaires», a soutenu M. Fitzgibbon.

Il s’interroge notamment sur la détention d’actions privés chez les nouveaux députés. À ses yeux, un «mécanisme» devrait exister pour permettre à un ministre de garder certains actifs durant son mandat. «Mais ce n’est pas le temps de jouer là-dedans aujourd’hui.»

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