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Déportations: un migrant expulsé même s’il présente des symptômes

Photo: Gracieuseté/UQAM
FLORENCE BELZILE-FRENETTE - L’École des médias de l'UQAM

Alors que la déportation en temps de pandémie doit demeurer une mesure exceptionnelle, un détenu du Centre de surveillance de l’immigration de Laval (CSIL) était toujours dans l’attente d’une déportation imminente au moment où ces lignes étaient écrites.

En grève de la faim depuis le 15 février, Marlon* dénonçait des conditions de détentions inhumaines et le manque de sérieux dans l’implantation des mesures sanitaires au Centre de Laval. En effet, 4 des 15 détenus avaient reçu un test positif au virus, il y a deux semaines. Le père de famille en faisait partie et il souffre encore aujourd’hui de difficultés respiratoires et de maux de tête.

En juin dernier, la cour Fédérale, dans l’affaire Revell, avait arrêté la déportation d’une personne migrante en expliquant clairement qu’il ne pouvait pas y avoir de déportation tant que la situation n’était pas sous contrôle d’un point de vue sanitaire. Le juge Shore avait expliqué que les expulsions ne se feraient que si des professionnels du domaine médical spécialisés en épidémiologie jugeaient que la situation sanitaire du demandeur et des personnes qui l’entourent était sécuritaire.

Malgré cela, c’est un homme affaibli par la faim et le passage de la COVID-19 qui devra dire au revoir à sa femme et son fils. Selon Me Stéphanie Valois, avocate spécialisée en droit de l’immigration, il s’agit d’une situation particulière. Elle affirme que le principe de base est de ne pas séparer les familles, «à moins qu’ils ne soient pas arrivés en même temps où que monsieur ait un dossier criminel.»

Une explication qui résonne avec celle de Me Sarah Dennene, également avocate en immigration qui rappelle qu’en droit canadien, «il doit y avoir une prise en compte de l’intérêt de l’enfant et l’impact psychologique d’une séparation sur les membres de la famille».

«Ce qui est aussi perturbant c’est que le Canada a joué un rôle assez important au niveau international.» – Me Sarah Dennene

Selon Tanya Rowell Katzemba de l’organisme Solidarité Sans Frontière (SSF), Marlon serait arrivé au Canada avec sa famille.

Dans le but de protéger son anonymat, elle ne peut en dire plus sinon qu’il est inquiet. «Il craint pour sa sécurité et sa vie. Il est parti de son pays d’origine à cause des violences envers sa famille […] Il retourne avec absolument rien dans son pays. Il n’a plus de réseau d’appui» dénonce la porte-parole du SSF.

En s’appuyant sur la Loi sur la protection des renseignements personnels, l’ASF refuse de commenter ou de donner des détails sur la situation précise d’un détenu.

Deux poids, deux mesures

Selon Me Dennene, le gouvernement du Canada n’est pas conséquent dans sa gestion de l’immigration depuis le début de la pandémie. «On est en train de permettre la déportation de personnes dans des pays où la vaccination et la situation épidémiologique ne sont pas forcément prises en compte par les agents de l’immigration». L’avocate continue en expliquant que la problématique va au-delà de la situation de Marlon.

«Ce qui est aussi perturbant c’est que le Canada a joué un rôle assez important au niveau international dans la mise en oeuvre du Pacte mondial sur les migrations et du Pacte mondial sur les réfugiés. Ces pactes reconnaissent que les pays doivent travailler de concert.»

Il y a à peine quelques mois, Justin Trudeau appelait à la solidarité internationale dans la gestion de la pandémie devant ses homologues du G7 alors qu’il déclarait: «aider les autres, c’est aussi s’aider.»

Depuis le mois de mars 2020, le gouvernement du Canada refuse l’arrivée des réfugiés par le chemin Roxham, voie d’entrée terrestre irrégulière, mais «ne semble pas avoir de problème a déporter les gens», s’inquiète l’avocate.

Dans un contexte sans précédent, la question qui se pose est de savoir si la justice évalue les enjeux entourant la pandémie. «Dans le cas d’un renvoi, il y a un préjudice normal qui est pris en compte, mais dans le cas d’une pandémie, comment on évalue ce préjudice? En mon sens, peut-être que la justice a atteint une limite et qu’il faut qu’il y ait un décret officiel d’Ottawa.»

*Nom fictif pour des questions de sécurité lors de son retour dans son pays d’origine

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