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Une année parsemée d’obstacles pour la réconciliation

Premières Nations Une année parsemée d’obstacles pour la réconciliation
Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. Photo: Josie Desmarais/Métro

Vendredi, le gouvernement Legault s’est assis avec des représentants de communautés autochtones afin de relancer les relations politiques, plus de deux ans après le dernier exercice du genre. Et le fossé s’était creusé depuis. Alors que les parties semblent prêts à relancer le processus de réconciliation, Métro revisite une année marquée par de nombreux conflits entre le gouvernement et les Premières Nations.

Loin derrière sont les souvenirs des blocages ferroviaires en soutien à la communauté Wet’suwet’en. Et pourtant, un an plus tard, et une pandémie en prime, les relations entre les Premières Nations et le gouvernement du Québec sont loin de s’être améliorées, constatent des membres de communautés autochtones.

«Il y a des fossés», lance Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador, à la sortie d’une rencontre attendue avec le premier ministre François Legault et les chefs de plusieurs communautés. Une rare réunion avec le chef d’État depuis le début de la pandémie.

Les relations entre les deux hommes n’ont pas toujours été harmonieuses dans les douze derniers mois. En octobre, quelques jours après la mort de Joyce Echaquan au Centre hospitalier de Lanaudière, le chef Picard annulait une rencontre bilatérale à la dernière minute, soulignant qu’il aurait préféré la tenir en présence des représentants de la Nation atikamekw.

«J’ai beaucoup de difficulté à suivre le chef Picard», avait alors lâché M. Legault.

Environ six mois plus tard, les discussions ont repris. Vendredi dernier, le premier ministre invitait M. Picard a une première «table politique conjointe». Annoncée en novembre, cette nouvelle initiative a pour objectif de rétrécir le fossé entre les deux parties.

«C’est une relation politique qui était jusqu’à ce moment-là, un peu vide de sens.» – Ghislain Picard, chef de l’APNQL

Accumulation

Au début de l’année dernière, au Québec, des protestataires érigeaient des blocus ferroviaires sur les territoires de Listuguj et de Kahnawake, en soutien aux chefs héréditaires de la communauté Wet’suwet’en, en Colombie-Britannique. Des installations qui avaient empêché le passage de trains pendant plusieurs jours.

Le premier ministre Legault avait alors été catégorique: «tout le monde a déjà assez souffert des impacts des blocus», avait affirmé son cabinet dans les derniers jours de blocage.

Quelques semaines après leur démantèlement, en février, M. Legault devait rencontrer Ghislain Picard à son bureau, histoire de régler les dossiers chauds. «La relation politique entre Québec, le bureau du premier ministre et les Premières Nations, c’est sans doute là où il faut mettre un peu plus de viande autour de l’os», avait évoqué le chef de l’APNQL, mettant la table pour une rencontre au sommet sur les relations entre Québec et les Premières Nations.

Sur la glace

L’imposition de l’état d’urgence sanitaire en mars a mis ces intentions sur la glace.

«Ça fait des années que l’APNQL joue son rôle de veiller au grain par rapport à ce que les gouvernements font. Mais on cherche à trouver des engagements politiques qui soient bénéfiques aux Premières Nations», a signifié Chef Picard vendredi. Impossible sans contact avec le Bureau du premier ministre.

Au mois de mars, avril et mai, le gouvernement de François Legault concentre ses efforts de gestion de crise sur la pandémie. Les décisions sur le confinement se succèdent presque quotidiennement, à mesure que les cas d’infection à la COVID-19 se confirment.

Puis, au courant de l’été, la notion de racisme systémique apparaît sur la place publique. Le 1er juin, M. Legault répond à la question d’un journaliste en affirmant qu’il n’existe pas au Québec.

Quelques jours plus tard, mis sous pression par des manifestations antiracistes – à Montréal notamment –, le premier ministre met en place un Groupe d’action contre le racisme. La ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours, en fait partie.

Au mois d’août, dans une sortie publique à Montréal, Ghislain Picard se dit «peu inspiré» par l’initiative. «On a un premier ministre qui nie l’existence du racisme et de la discrimination systémiques. On est déjà, au départ, biaisé.»

Le décès de Joyce

Le 28 septembre 2020, Joyce Echaquan meurt dans son lit d’hôpital à Joliette. Mère de sept enfants, elle filme et retransmet son dernier cri du cœur sur les réseaux sociaux. La vidéo a l’effet d’un tremblement de terre: dans les moments précédant sa mort, deux membres du personnel soignant la couvrent de commentaires racistes, violents et dégradants.

«La relation idéale qu’on veut entretenir est souvent rattrapée par des réalités comme ce qu’on a vécu à Joliette», analyse aujourd’hui Ghislain Picard.

Cofondatrice de Résilience Montréal et militante pour les droits des personnes autochtones, Nakuset estime que le gouvernement du Québec avait pourtant la solution sous ses mains.

«La Commission Viens [sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec] avait déjà mis de l’avant plusieurs recommandations, rappelle-t-elle. Personne n’a rien fait.»

En septembre, le rapport final de la Commission Viens aura deux ans.

Un nouveau capitaine

Les recommandations de la Commission Viens sont maintenant la responsabilité d’Ian Lafrenière. Se disant déçu de l’avancement dans le dossier, en octobre dernier, François Legault a placé l’ex-policier dans le siège de Sylvie D’Amours.

Nakuset, qui s’était montrée très critique à l’arrivée en poste du ministre, se dit surprise aujourd’hui.

«Je n’ai jamais vu de ministre responsable des Affaires autochtones en faire autant.» – Nakuset

Mais la Coalition avenir Québec fera face à des obstacles tant qu’elle ne parlera pas de «racisme systémique», souligne Ghislain Picard.

Vendredi, M. Lafrenière a de nouveau reconnu les différences entre l’APNQL et son gouvernement dans le débat.

«Ce n’est pas parce qu’on a une vision différente que ça nous empêche d’en parler», a-t-il commenté.

«On va s’écouter. Et il va y avoir d’autres rencontres.»

Québec s’est engagé à débloquer 200 M$ en mesures de réconciliation d’ici la fin du mandat actuel.

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