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La Commission Laurent recommande une Charte des droits de l’enfant

La présidente de la Commission, Régine Laurent
Photo: Josie Desmarais/Archives Métro

Après deux années de travail, la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse a déposé son rapport final dans lequel elle retient le besoin d’apporter «des ajustements majeurs» aux services psychosociaux destinés aux jeunes et aux familles, notamment en faisant un «virage prévention».

La présidente de la Commission spéciale, Régine Laurent, a présenté son rapport tant attendu en conférence de presse lundi après-midi «avec le sentiment du devoir accompli».

C’est à la suite du décès d’une fillette de Granby connue du système de protection de la jeunesse, en avril 2019, que le gouvernement du Québec a mandaté une commission spéciale d’entreprendre une réflexion sur les services de protection de la jeunesse, la loi qui l’encadre, le rôle des tribunaux, des services sociaux et des autres acteurs concernés.

Composée de 12 commissaires, dont cinq experts des domaines psychosocial, juridique et pédiatrique, quatre élus des partis représentés à l’Assemblée nationale ainsi qu’une présidente et deux vice-présidents, la Commission spéciale propose plus d’une centaine de «recommandactions».

«Celles-ci devront être mises en application dans une perspective de continuum pour que, dorénavant, aucun enfant et aucun jeune ne passent par la direction de la protection de la jeunesse (DPJ), à moins qu’ils ne vivent une situation qui compromet leur développement ou leur sécurité», a déclaré Régine Laurent.

Création d’un poste de Commissaire

La toute première recommandation du rapport est d’instituer un commissaire pour promouvoir le bien-être et les droits des enfants, une demande formulée par plusieurs témoins, dont des jeunes.

«Le Québec s’y est engagé en ratifiant la Convention relative aux droits de l’enfant. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies invite le Canada à le faire depuis des années, et plusieurs provinces canadiennes l’ont déjà fait. Le Québec doit instituer une telle fonction, responsable en exclusivité de la promotion et de la surveillance du bien-être et des droits de tous les enfants», indique-t-on dans le rapport.

Ce commissaire devrait exercer une vigie sur l’état de bien-être des enfants et sur les répercussions des décisions les affectant, ainsi que sur tous les décès d’enfants. Il aurait également un mandat étendu aux jeunes autochtones, aux jeunes issus des communautés ethnoculturelles, aux jeunes en situation de handicap et ceux ayant été pris en charge par l’État, jusqu’à leurs 25 ans.

De plus, la Commission estime que la création d’un poste de commissaire adjoint consacré aux enfants et jeunes autochtones est nécessaire. Celui-ci serait nommé après la consultation des représentants autochtones.

Le commissaire et le commissaire adjoint seraient nommés par l’Assemblée nationale pour sept ans et un budget approprié devrait leur être alloué, assorti de l’obligation de rendre compte annuellement à l’Assemblée nationale.

Un poste de directrice nationale de protection de la jeunesse a été créé cette année, à la suite d’une première recommandation majeure de la commissaire-indépendante Régine Laurent en novembre dernier.

Si le rôle de la directrice nationale est plutôt d’orienter et d’uniformiser les pratiques de la protection de la jeunesse, celui de commissaire est surtout d’avoir un regard sur tous les enfants, qu’ils soient passés par le système ou non, a expliqué Mme Laurent.

Création d’une Charte des droits de l’enfant

Par ailleurs, la Commission recommande d’adopter rapidement une Charte des droits de l’enfant qui affirme ses droits fondamentaux et les principes directeurs essentiels à son bien-être et au respect de ses droits.

Cela enverrait «un message fort et clair que l’enfant est une personne et un citoyen à part entière, sujet de droit, et que le respect de celui-ci est une priorité pour tous.»

D’ailleurs, le rapport suggère également d’ajouter un préambule à la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) qui déclarerait que les actions et décisions prises doivent respecter la Charte des droits de l’enfant.

De plus, la préservation de l’identité culturelle des enfants autochtones doit être affirmée dans cette Charte. «L’application de la Loi sur la protection de la jeunesse, lorsqu’elle ne respecte pas la culture de l’enfant, produit des effets discriminatoires», a souligné Régine Laurent.

«Le virage prévention est obligatoire»

Selon les recommandations de la Commission spéciale, un virage vers la prévention est «obligatoire» afin de rejoindre les personnes en situation de vulnérabilité. «Il faut agir le plus tôt possible dans la vie des enfants pour soutenir leur développement et nous assurer que ceux qui ont le plus de besoins reçoivent les services en temps opportun», a souligné Régine Laurent.

L’intervention de la protection de la jeunesse doit seulement être la dernière solution, ajoute-t-elle. «Concentrez-vous sur les services de première ligne. L’offre de service, telle qu’elle est déployée actuellement, ne permet pas de rejoindre, de mobiliser et de soutenir adéquatement des familles en plus grande difficulté avec l’intensité nécessaire pour éviter la protection de la jeunesse», a mentionné Mme Laurent.

La Commission propose notamment de renforcer le soutien offert aux jeunes et aux parents dans les CLSC, d’augmenter le soutien psychosocial dans les écoles et de financer les organismes communautaires. «Ne compter que sur les DPJ pour enrayer à eux seuls la souffrance et la détresse des enfants constitue une erreur qui nous mène à une impasse. L’histoire nous l’enseigne», a affirmé Régine Laurent.

Le «virage prévention» accueilli favorablement

La présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Andrée Poirier, pense aussi que le travail en prévention est la clé. «Ça n’a pas de bon sens qu’on aille autant d’enfants à la DPJ. La DPJ, c’est des soins intensifs. On ne peut pas [voir] tout le monde arriver aux soins intensifs», illustre-t-elle

Même son de cloche du côté de la présidente de l’ordre professionnel des criminologues du Québec (OPCQ), Michèle Goyette. «Priorité à la prévention et aux services de première ligne pour tout mettre en place pour qu’on ne se rende pas à des situations de protection», dit-elle d’emblée.

Si elles sont satisfaites des recommandations, mesdames Poirier et Goyette sont impatientes de voir comment le gouvernement du Québec compte les mettre en oeuvre et dans quel ordre de priorité. «C’est trop important pour que ce soit tabletté», ajoute André Poirier.

La présidente de l’APTS souligne les enjeux de surcharge de travail des intervenants et la pénurie de main-d’oeuvre. «On a un gouvernement qui nous propose l’ajout de postes, mais il n’y a rien pour attirer le monde dans les centres jeunesse», déplore-t-elle.

Pour contrer cette «exode», il va falloir améliorer les conditions de travail des intervenantes, pense Mme Poirier.

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