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Cracher sur les Québécois

Photo du chroniqueur Frédéric Bérard avec titre de sa chronique, In libro veritas
Photo: Métro

L’horrifiante découverte des 215 corps d’enfants autochtones, en Colombie-Britannique, a eu minimalement ceci de bon: sortir quelques consciences humanistes de leur torpeur, là où résident les affres d’un aveuglement volontaire trop aisément commode. Parce que oui, on savait, ou plutôt devait savoir. L’histoire des pensionnats, dégueulasserie sans nom, est aujourd’hui documentée par maints rapports, études et autres récits. L’impact de la surprise, en quelque sorte, n’est que le corollaire de notre propension à regarder ailleurs.

Une bonne chose, donc, façon de parler, que l’électrochoc subi. Non du fait d’une culpabilisation à outrance pour des trucs pour lesquels, finalement, plusieurs d’entre nous n’étions pas encore nés. Plutôt afin de reconstruire, enfin, les bases mêmes d’un édifice vétuste, chambranlant et aux fondations pourries. Nulle réconciliation, une vraie, sans vérité. Pas du génie nucléaire à comprendre sauf, manifestement, pour certains.

Lesquels? Les mêmes que d’habitude, bien sûr.

Ceux qui s’affairent, tel Lucky Luke, à tirer plus vite que leur ombre dès qu’il est question de défendre le bon ti-Québécois de toute attaque potentielle. Telle est, au fond, leur marque de commerce : lécher jusqu’à plus soif le sentiment national; ménager les susceptibilités de l’ego populaire; balancer sur autrui la responsabilité, sinon culpabilité, de toute politique plus ou moins catho; fantasmer en sourdine sur la venue d’un Churchill (de Sept-Îles), d’un Papineau (de Chibougamau) ou, mieux vaut s’y faire, d’un Roberspierre (de Rosemère). Servir, en bref, de bouclier à toute critique. Umberto Eco y verrait, indubitable, les signes avant-coureurs d’un dérapage annoncé.

Cette manie du «c’est pas moi c’est lui!!», pointant du doigt l’État canadien et son méprisable racisme mcDonaldien, participe à une opération qui l’est tout autant (i.e. méprisable): refuser l’introspection, même embryonnaire, au nom d’un orgueil dit national.

Question : à quel point faut-il être le (malheureux) propriétaire d’un micro-zizi afin de se sentir, ô paranoïa, la cible constante de toute remise en question de nos politiques publiques?

L’apothéose de ce qui précède fut atteint lors d’un tweet d’un apôtre-pentecôtiste-du-bock-côtisme qui, dans une attaque à l’égard de Émilie Nicolas, prétendait fallacieusement que celle-ci, dans sa chronique sur l’influence et actions de nos leaders cathos dans le scandale des pensionnats, semblait s’intéresser davantage à « cracher sur les Québécois » qu’à s’émouvoir de l’affligeant sort des 215 enfants. Odieux, bien entendu, ladite chronique ne visant qu’à faire état, preuve factuelle à l’appui, de la participation des Lionel Groulx (et autres hommes-providence) dans cette machination sans nom.

Cracher sur les Québécois, donc. Mais où ça? Qui ça? Parce qu’il est maintenant prohibé d’assurer la lecture, et peut-être analyse, de nos angles morts? De nos coins sombres? Mais de qui émane l’abject crachat, quand on y pense?

Or, ces petites manœuvres cheapettes à cinq sous sont devenues, soyons francs, monnaie courante chez quelques intellos improvisés. C’est ainsi qu’on qualifiera de «militant.es» chaque chroniqueur.es n’adhérant pas à la doxa auto-proclamée par ces haut-parleurs usés et sans envergure, masquant leur inculture par la vieillotte cassette d’un récit national piquée ailleurs. Ceux qui jouissent dans leur short à chaque anecdote woke issue d’un américanisme qu’ils abhorrent pourtant, et très ironiquement, lorsqu’il est question d’enjeux québécois réels.

J’exagère? Ok. Allez leur dire, pour le fun, que vous êtes contre la loi 21. Au motif du droit à l’égalité, par exemple. Prière (sans jeu de mots) de revêtir votre parapluie à marde. Celle qui r’vole d’ordinaire lorsque la nation, bloc apparemment monolithique et unilatéralement défini par leur seule chapelle, se dit assiégée.

Le mot de la fin à Albert Schweitzer, écrit dans Décadence et renaissance de la culture: «Qu’est-ce que le nationalisme? C’est un patriotisme qui a perdu sa noblesse et qui est au patriotisme noble et raisonnable, ce que l’idée fixe est à la conviction normale.»

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