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Manifs étudiantes: «machine à répression»

Photo: Archives Métro

MONTRÉAL – Une véritable «machine à répression» a été mise en place afin d’étouffer le mouvement de contestation né dans la foulée de la grève étudiante du printemps dernier, ont dénoncé lundi trois regroupements sociaux, lançant de nouveau un appel à l’ouverture d’une enquête publique.

«J’ai été traité comme un trophée de chasse lors de mon arrestation. (…) Les policiers m’ont arraché au passage mon carré rouge pour le piétiner», se souvient un manifestant appréhendé lors du congrès libéral de Victoriaville.

«Je me suis fait rentrer dedans par l’antiémeute, matraquer et arrêter de manière musclée. J’ai eu un choc post-traumatique et une dépression considérable suite à cet événement. J’ai perdu mes deux emplois et je suis incapable de conduire ma voiture», raconte un père de famille arrêté à la sortie d’une salle de spectacle.

Ces récits sont tirés du rapport «Répression, discrimination et grève étudiante», élaboré par l’Association des juristes progressistes (AJP), la Ligue des droits et libertés et l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ). On y évoque de nombreux épisodes d’intimidation, de brutalité, de profilage social et autres comportements abusifs ayant rompu le lien de confiance entre les manifestants et les forces policières.

Le document met de l’avant sept recommandations, dont la mise en place d’un mécanisme indépendant des corps policiers qui serait chargé d’enquêter sur certaines interventions. Les organismes réclament également l’abandon des accusations portées en vertu des règlements municipaux et du Code de la sécurité routière et l’arrêt des procédures pour ceux et celles dont les droits ont été violés.

«On a remarqué dans le rapport que parmi les gens qui ont reçu des accusations au criminel, plusieurs ont été accusés d’entrave et de voies de fait. Souvent, l’entrave, c’était des gens qui filmaient des arrestations et les voies de fait, pour ceux qui essayaient d’aider des amis. Lorsque leurs droits fondamentaux ont été violés, on demande l’arrêt des procédures», a dit Marie-Claude St-Amant, qui siège au comité exécutif de l’AJP.

Encore une fois, on exhorte les élus à déclencher une enquête publique afin de faire la lumière sur ces événements. La formation Québec solidaire et plusieurs groupes de défense des droits civiques le revendiquent depuis des mois. Une pétition qui circule en ligne à cet effet a en outre recueilli plus de 14 000 signatures à ce jour.

«Effectivement, on a déjà interpellé le gouvernement par le passé, mais je pense qu’il faut continuer pour avoir une réponse positive, a ajouté Mme St-Amant. On sait que pour la Commission Charbonneau, ça avait pris plusieurs années, mais on a finalement réussi à l’obtenir.»

En février dernier, le ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, avait dit vouloir évaluer les options qui s’offraient à lui avant de prendre une décision. En milieu de matinée, lundi, le cabinet du ministre a simplement accusé réception du document et précisé qu’aucun commentaire ne serait fait avant que M. Bergeron n’en prenne connaissance.

Ce rapport ne s’adresse toutefois pas uniquement aux élus, mais aussi à l’ensemble de la population, chez qui Lucie Lemonde, de la Ligue des droits et libertés, a dénoté un certain désintéressement au cours des derniers mois.

«Les violations de droits, on dirait que pour les gens, il n’y a rien là, c’est rendu la norme, a-t-elle dit. On a vu en boucle des gens se faire brutaliser, des gens par terre avec la police autour, puis on dirait qu’il y a une espèce de léthargie par rapport à ça.»

C’est aussi par devoir citoyen que les organismes ont décidé de plancher sur cette étude, suggère pour sa part Émilie Breton-Côté, du comité légal de l’ASSÉ, qui a décoché une flèche au gouvernement de Pauline Marois, allié du mouvement étudiant au printemps dernier.

«On a un devoir de mémoire par rapport à ce qui a été vécu pendant la grève étudiante de 2012, a-t-elle dit. Notre devoir de mémoire, c’est pas pour l’État, c’est pas pour les partis politiques qui vont s’excuser des violations en blâmant le parti qui était au pouvoir avant».

Le rapport, qui a notamment été élaboré en recueillant et en analysant 384 témoignages, aurait bien pu être plus volumineux: d’après les recherches effectuées dans le cadre de cette enquête, 3509 personnes ont été arrêtées à travers le Québec entre le 16 février et le 3 septembre dans le cadre des manifestations étudiantes. Les arrestations et interpellations de masse survenues depuis environ sept mois dans les rues de Montréal n’y figurent pas non plus.

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