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Laïcité: Drainville repousse le débat

QUÉBEC – Le débat sur le projet de charte de la laïcité, qui vise à résoudre les situations épineuses d’accommodements religieux, est reporté à l’automne prochain, a déclaré mercredi le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville.

M. Drainville a affirmé qu’il répond ainsi à la suggestion de groupes qui croient que la période estivale portera conseil.

Le ministre a précisé qu’il fera ensuite connaître les orientations privilégiées par le gouvernement, ce qui sera «rapidement» suivi par le dépôt d’un projet de loi.

Ces propositions viseront à définir une «charte des valeurs québécoises», une appellation que M. Drainville juge plus positive que celle de «charte de la laïcité».

L’égalité de tous les citoyens devant la loi, peu importe la religion, la langue ou l’origine, serait ainsi mise de l’avant, pour éviter que ces éléments puissent être invoqués pour réclamer des passe-droits, a indiqué le ministre lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale.

«L’égalité homme-femme, ça va être une valeur, également, extrêmement importante qu’on va affirmer dans cette charte des valeurs québécoises, a-t-il dit. Donc nous allons déposer ça au retour des vacances de l’été et par la suite, assez rapidement, il y aura dépôt d’un projet de loi.»

En février dernier, la première ministre Pauline Marois avait promis qu’une consultation sur le sujet sera amorcée dès le printemps ou l’été.

Après avoir «beaucoup consulté, au cours des dernières semaines», M. Drainville a conclu qu’un report était nécessaire.

«Il y a beaucoup de gens qui m’ont dit: ‘c’est un débat qui est tellement important pour notre société, que tu devrais attendre au retour des vacances de l’été pour déposer les propositions, tu devrais, sur un débat aussi sensible, attendre que les gens reviennent des vacances, ils sont frais et dispos, c’est une nouvelle saison qui commence à ce moment-là’», a-t-il dit.

M. Drainville a affirmé que ce sont des «groupes, des personnes, des gens qui sont concernés» qui lui avaient fait cette proposition.

«Je ne vous parle pas de collègues, je vous parle de personnes de la société civile qui m’ont dit: ‘écoutez, on est prêt à vivre avec un dépôt en juin. Ils ne m’ont pas dit: fais-le pas, fais-le pas, mais peut-être qu’il vaudrait mieux attendre’», a-t-il dit.

Le cabinet de M. Drainville a publié des résultats d’un sondage indiquant que seulement 8 pour cent des Québécois considèrent que le statu quo est la meilleure approche pour les accommodements raisonnables.

En campagne électorale, l’été dernier, les péquistes avaient promis de proclamer une charte de la laïcité. En matière d’accommodements, la liberté de religion ne pourrait être invoquée pour enfreindre le droit à l’égalité entre les hommes et les femmes ou nuire au fonctionnement des institutions publiques et parapubliques. Les employés de l’État ne pourraient pas porter des signes religieux dans l’exercice de leurs fonctions.

Lors d’un point de presse, le chef libéral Philippe Couillard a réservé son avis à plus tard, préférant se prononcer une fois que les propositions seront connues. M. Couillard a cependant émis des craintes quant aux risques de divisions que le PQ pourrait susciter avec une telle initiative.

«Est-ce qu’on veut une société où on va regarder sous la chemise des gens s’il y a une croix ou une étoile de David sous eux? Je ne pense pas que les Québécois veulent une société comme ça», a-t-il dit.

M. Couillard, qui a rappelé son appui envers l’égalité homme-femme et la primauté du français, a aussi soupçonné une manoeuvre électoraliste des péquistes avec ce projet de charte des valeurs québécoises.

«Je ne serais pas surpris que le PQ mette ça dans une ambiance de préparation électorale, cherchant désespérément des thèmes pour rallier la population, a-t-il dit. Peut-être celui-ci est-il la planche de salut qu’ils espèrent.»

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a relevé que M. Drainville revient ainsi sur sa promesse de passer à l’action dès ce printemps.

«Est-ce qu’il y a une chicane dans le caucus qui l’empêche de déposer son document dès maintenant? Pourquoi y a-t-il encore un recul du PQ?» a demandé le chef caquiste.

M. Legault a promis que son parti prendra clairement position une fois que les propositions du gouvernement seront connues.

«On a eu le temps d’en discuter déjà depuis quelques mois à notre caucus, on aura une position qui sera très claire», a-t-il dit.

Le politologue de l’Université Laval Réjean Pelletier considère que le report du débat sur la laïcité évite ainsi au Parti québécois une levée de bouclier supplémentaire. Selon M. Pelletier, la ministre Diane De Courcy est déjà assez occupée à défendre son projet de loi sur la réforme de la Charte de la la langue française.

«Déjà Diane De Courcy a suffisamment de problèmes avec son projet de loi et ceci viendrait rajouter, parce qu’on touche à une même clientèle, en particulier chez les groupes ethniques, qui n’acceptent pas totalement la charte de la langue française et qui n’accepteraient pas non plus une charte de la laïcité», a-t-il dit.

M. Pelletier estime qu’avec son projet, le PQ pourrait chercher à affaiblir la CAQ, en la forçant à préciser ses positions, face à l’électorat francophone que les deux partis se partagent.

«Elle a toujours des positions mitoyennes et probablement que ça devrait forcer la CAQ à se positionner davantage, jusqu’où elle est prête à aller, a-t-il dit. Est-ce qu’elle est prête à suivre l’ancienne ADQ, par rapport à certains types d’accommodements raisonnables?»

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