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Le Québec doit se retrousser les manches, selon Joseph Facal

Joseph Facal, ancien ministre péquiste et professeur à HEC Montréal, lance aujourd’hui Quelque chose comme un grand peuple, un essai sur la condition québécoise. Dans ce livre, il dresse un portrait du Québec actuel et s’attarde aux multiples défis qui attendent les Québécois de demain. Entrevue avec ce sociologue lucide qui offre une lecture nuancée du Québec d’aujourd’hui.

Vous dites d’entrée de jeu que le Québec est parvenu à un moment charnière de son histoire. Qu’entendez-vous par là?
On entre dans un monde qui est traversé par des mutations fondamentales, notamment la mondialisation, les progrès scientifiques et technologiques. En même temps, sur le front intérieur, le Québec est confronté à des problèmes démographiques, d’endettement, à des problèmes graves de son réseau scolaire. Tout ça se conjugue pour rendre nécessaires des changements qu’il faut faire maintenant et plus nous attendons, plus ce sera difficile. Les Québécois sont attachés à un certain nombre d’acquis, mais si on veut les préserver et léguer à nos enfants un héritage bonifié, il faut agir maintenant. Je ne nie pas que le Québec a fait des progrès extraordinaires depuis la Révolution tranquille, mais je considère que depuis quelques années nous nous sommes assis sur nos lauriers et nous sommes devenus un peu complaisants.

Mon livre se veut un cri d’alarme, un message d’espoir et un mode d’emploi. Un cri d’alarme parce que nous sommes engagés dans une spirale de déclins qui nécessite un redressement. Un message d’espoir parce que je montre que nous avons tous les atouts pour réussir ce redressement et que d’autres peuples se posent les mêmes questions que nous sur les grands enjeux que nous traversons. Et un mode d’emploi parce que j’indique les chantiers qui me semblent prioritaires et les actions qu’il faut entreprendre pour y arriver.

Qu’est-ce qu’il faudrait pour amorcer ces grands changements que vous proposez dans le livre?
Nous savons depuis longtemps quels sont les principaux gestes structurants à poser. Il faut commencer par déterminer un certain nombre de priorités, de chantiers à entreprendre. Et il faut évidemment une volonté et le courage politique de dire au peuple québécois ce qui lui pend au bout du nez si nous ne réagissons pas. Au bout du compte, on ne peut pas demander à un peuple d’être meilleur que l’élite. C’est alors à l’élite d’assumer la responsabilité et de montrer la voie. Par le passé, le peuple québécois a su affronter l’adversité. Pourquoi ne pourrait-il pas l’affronter de nouveau?

Quels seraient le meilleur et le pire des scénarios envisageables pour le Québec de demain?
Le mieux, ce serait qu’on se mobilise collectivement autour d’un petit nombre de priorités comme l’école publique, l’intégration des immigrants, la question du statut politique du Québec. J’ai entièrement confiance que si on s’attaque à ces questions dès maintenant, nous avons toutes les ressources et tous les talents nécessaires en nous pour réussir. Le scénario du pire serait évidemment de ne rien faire. On devrait alors faire face à des réalités difficiles. Quand on aura de moins en moins de contribuables pour assumer la facture de toutes les dépenses sociales, qui, elles, seront de plus en plus lourdes, il y aura forcément de graves problèmes financiers qui en découleront. C’est encore évitable si on s’y met maintenant!

Est-ce que vous croyez que la souveraineté est aussi nécessaire aujourd’hui qu’elle l’était, aux yeux des souverainistes, il y a 30 ou 40 ans?
Je pense que oui parce que, selon moi, la souveraineté du Québec est plus avantageuse pour le peuple. C’est toujours préférable d’être propriétaire que d’être locataire, comme c’est toujours préférable d’être majoritaire que d’être minoritaire. Les francophones du Québec sont de plus en plus minoritaires dans le Canada d’aujourd’hui et donc dépendants du bon vouloir de la majorité qui, ultimement, aura le mot de la fin. Cela dit, ça ne nous dispense pas de mieux utiliser les pouvoirs que le Québec a déjà et d’essayer de nous affirmer dans le Canada actuel.

Êtes-vous plutôt pessimiste ou optimiste face à l’avenir du Québec?
Quand je regarde à quel point certaines sociétés sont beaucoup plus durement touchées par la crise économique que nous, ça veut dire qu’il y a certaines choses que l’on fait très bien au Québec. Par contre, quand on regarde d’autres secteurs de la société québécoise, nous avons de sérieuses difficultés. Il ne faut donc pas voir tout en noir ou tout en blanc, mais fondamentalement, je n’aurais pas écrit ce livre si je n’avais pas cru que le peuple québécois peut se redresser. Je suis confiant, mais je ne minimise pas la gravité des problèmes auxquels nous faisons face et la complexité des solutions que je propose.

Finalement, à la lumière de votre livre, sommes-nous aujourd’hui quelque chose comme un grand peuple ou carrément un grand peuple?
Je comprends maintenant ce que voulait dire René Lévesque par cette phrase. Je crois qu’il voulait dire que les Québécois avaient tous les talents et toutes les ressources pour être un authentique grand peuple malgré notre petit nombre. Ce qui nous manque, c’est un soupçon d’audace, de courage et de lucidité. Et je crois que cette lecture qu’il faisait de nous il y a plus de trente ans est toujours d’actualité parce que notre potentiel n’est pas encore réalisé à sa pleine mesure. Donc on est encore quelque chose comme un grand peuple et on a tout ce qu’il faut pour devenir un grand peuple.

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