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Autochtones: Des droits toujours à défendre

Trois ans après sa promulgation, la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones n’a toujours pas été signée par le Canada. C’est ce qu’ont dénoncé en début de semaine Amnistie internationale et le chef de l’Assemblée des Premières Nations, Shawn A-in-chut Atleo, alors qu’était célébrée la Journée internationale des Premières Nations. «Le Canada a le mérite de s’être engagé à appuyer la Déclaration dans le discours du Trône en mars a rappelé le chef national. Nous avons hâte de collaborer avec le gouvernement pour mettre en Å“uvre la Déclaration et nous croyons que cela devrait être fait dans un avenir très rapproché.»

Amnistie internationale (AI) déplore de son côté l’hypocrisie des gouvernements qui se succèdent à Ottawa. «Depuis 1867, les expropriations et les ventes illégales ont entraîné la perte d’environ deux tiers des terres des « réserves » que le gouvernement s’était engagé à garder pour l’usage exclusif des Premières Nations», déplor­ait récemment l’organis­me dans un rapport sur le sujet.

Selon AI, l’incapacité des gouvernements canadiens à respecter et à protéger les droits des peuples autochtones à des terres et territoires a été un élément déterminant de l’appauvrissement des Premiè­res Nations. Au Québec, les Cris sont ceux qui sont allés le plus loin dans la signature d’ententes avec le gouvernement. Hasard ou non, ces derniers sont les plus prospères parmi les 11 nations autochtones qui peuplent la province.

Quelques points

  • En septembre 2007, l’ONU adopte la Déclaration des droits des peuples autochtones.
  • Cette déclaration (non contraignante) stipule notamment que les
    peuples autochtones ne peuvent être expulsés de leurs terres.

  • Quatre pays ont alors exprimé leur opposition.
  • L’Australie et la Nouvelle-Zélande sont rentrées dans le rang, en 2009 et en 2010 respectivement.
  • Le Canada explique son refus de signer la Déclaration par le fait qu’elle entre en contradiction avec sa Constitution ainsi qu’avec la Charte des droits et libertés.

Romeo Saganash: «Je suis nomade autant que mon père»

Si vous voulez comprendre les défis qu’ont dû surmonter les Amérindiens, asseyez-vous donc quelques instants avec Romeo Saganash. Cet avocat membre du Grand Conseil des Cris a fait des allers et retours pendant plus de 15 ans entre le Québec, Genève et New York, siège des Nations unies, pour faire avancer le projet de Déclaration sur les droits des peuples autochtones.

Pourquoi tant d’années? «Ajouter un « s » à « people » pour qu’on parle de « peuples » et non pas de « populations », par exemple, a pris beaucoup de temps, explique M. Saganash. Mais la lutte n’était pas inutile, car en étant reconnus comme peuples autochtones, nous avons des droits  beaucoup plus importants.» Qui croirait que ce conseiller politique et juridique de 48 ans a passé les sept premières années de sa vie au fond de la forêt de Waswanipi, à 200 km de Chibougamau? «Deux fois par an, mon père mettait un mois, en canoë, à se rendre en ville pour y vendre la fourrure, se souvient Romeo Saganash, qui a expérimenté la vie à – 40 oC sous le tipi. Il lui fallait ensuite deux autres mois pour remonter la rivière et ramener du thé, du sucre et de la farine.»

Les neuf années suivantes de sa vie furent moins joyeuses. Comme des milliers d’autres enfants, il fut inscrit de force dans un de ces pensionnats autochtones qui avaient notamment pour fonction de les couper de leur culture afin de tuer l’Indien en eux. «L’odeur du lieu reste inscrite dans ma mémoire, c’était comme une prison, confie-t-il. J’étais tellement enragé que je n’ai pas parlé pendant deux ans. Contrairement à ce que prétend le gouvernement, ceux d’entre nous qui ont réussi ensuite sont l’exception.»

Même s’il a été épargné, Romeo Saganash garde un vif souvenir d’un de ses voisins de dortoir. «Pendant sept ans, chaque soir, l’un des prêtres qui dirigeaient l’orphelinat venait le chercher pour abuser de lui sexuellement», affirme-t-il. En 2012, même si aucune date n’est encore confirmée, la Commission de témoignage et réconciliation du Canada, chargée de faire la lumière sur cette période sombre, passera au Québec. Romeo y sera pour parler au nom des parents qui ont été séparés de force de leurs enfants. «Ma mère y a perdu John, l’un de ses 14 enfants. Il a fallu un coup du hasard pour qu’on finisse, 40 ans plus tard, par apprendre où il était enterré.»

Malgré tout cela, M. Saganash a su garder  l’Indien vivant en lui. «Je suis nomade autant que mon père. Sauf que mon territoire est plus large : c’est la planète! Et j’aide ma communauté autant que mon père en négociant des traités qui protègent ses droits.» Il ne manque d’ailleurs jamais, avec ses trois enfants, l’occasion de parcourir le territoire des ancêtres pour garder vivante la culture crie.

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