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Parler aux «amis du PQ» pour éviter une enquête

MONTRÉAL – Dans un extrait d’écoute électronique entendu mardi à la Commission Charbonneau, l’ancien président de la FTQ, Michel Arsenault, et Jean Lavallée veulent parler à leurs «amis du PQ» pour éviter la tenue d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction.

Michel Arsenault envisage même d’invoquer une entente déjà conclue avec Claude Blanchet, ancien président du Fonds de solidarité et conjoint de l’actuelle première ministre Pauline Marois. «Ils sont mal pris en host… parce qu’on a un deal avec Blanchet», lance M. Arsenault à M. Lavallée, ancien président de la FTQ-Construction.

«Il va falloir que tous les deux on s’assoit pour parler à nos amis du PQ», lui dit Jean Lavallée.

«Je vais parler à Pauline», affirme Michel Arsenault.

Interrogé par le procureur de la commission, Me Cainnech Lussiaà-Berdou, sur la teneur de ce «deal» avec M. Blanchet, M. Lavallée a affirmé ne pas savoir.

Et M. Lavallée a indiqué qu’il n’a de toute façon pas fait de démarches auprès du Parti québécois, qui formait alors l’opposition officielle.

Il a également précisé que sa femme «a travaillé 10 ans au PQ, au bureau du premier ministre» et que lui-même avait été «actif à un moment donné», bien qu’il ne le soit plus depuis un certain temps. Il a aussi fait des dons en argent au parti.

M. Lavallée a aussi justifié son rejet d’une commission d’enquête «sur les syndicats» par le fait que dès qu’un témoin comparaît devant la commission, il est mal perçu. «On sait comment ça se finit une commission d’enquête. Moi, je suis ici aujourd’hui et je suis déjà condamné d’avance. Puis je passe pour un pas bon, ici puis dans les médias, puis partout. C’est ça une commission d’enquête, ça n’aide pas personne», a commenté M. Lavallée.

Fait à noter, le Parti québécois a plutôt appuyé et réclamé la tenue d’une commission d’enquête sur l’industrie de la construction, talonnant même le gouvernement libéral de Jean Charest, qui s’y refusait.

La FTQ s’y était longtemps opposée, avant de finalement changer de cap et suivre le mouvement général qui réclamait une telle commission d’enquête.

Offre d’argent à Arsenault

Par ailleurs, M. Lavallée s’est souvenu du fait que M. Arsenault lui avait confié qu’il s’était fait offrir une somme de 300 000 $ de la part d’un Italien qui voulait obtenir de l’argent du Fonds de solidarité, une somme qu’il a refusée.

M. Lavallée s’est rappelé que Michel Arsenault lui avait dit être même en colère face au fait qu’il s’était ainsi fait offrir de l’argent en retour d’un investissement du Fonds de solidarité. «Michel m’a dit ‘j’y vais pas, puis je suis en maudit de m’être fait offrir de l’argent’», a rapporté M. Lavallée.

Pourtant, M. Arsenault a déjà nié avoir reçu une telle offre de la part d’un entrepreneur italien qui était alors accompagné de Jocelyn Dupuis, l’ex-directeur général de la FTQ-Construction.

La somme en question serait liée au dossier de l’entreprise de décontamination des sols Carboneutre, un dossier dont M. Dupuis faisait la promotion auprès du Fonds pour ses amis. Le Fonds n’y a finalement jamais investi.

M. Lavallée a affirmé ne pas avoir signé de déclaration sous serment pour nier, ensuite, que cette offre d’argent avait été faite. Mais il s’est souvenu que le bureau de Michel Arsenault l’avait appelé pour savoir s’il avait signé une telle déclaration sous serment. Mais il a assuré qu’il n’a jamais vu cette déclaration qu’il était censé avoir signée.

Affaires avec des Hells

L’ancien syndicaliste, qui présidait également le conseil d’administration de la SOLIM, le bras immobilier du Fonds de solidarité, s’est aussi défendu d’avoir prêté à des entreprises auxquelles étaient associés des sympathisants des motards en toute connaissance de cause.

«Ce n’est pas arrivé que j’aie fait affaires avec des Hells. On ne fait pas affaires avec des Hells. Et si on a fait affaires, on ne le savait pas. Ce n’est pas marqué dans le front ‘Hells’», a protesté M. Lavallée.

Il a toutefois admis que le Fonds et la SOLIM ont fait des affaires avec Denis Vincent, décrit devant la commission comme un sympathisant ou un proche de membres des Hells Angels.

«C’est un ami, a justifié M. Lavallée. Si les dossiers n’étaient pas bons, ils n’auraient pas été acceptés. C’est pas des ‘rubber stamps’, le Fonds. C’est pas Jean Lavallée qui ‘runne’ le Fonds; c’est un groupe. Puis ils sont pas des yes men.

«Il n’y a pas de favoritisme qui se fait. Les dossiers qui sont apportés à la SOLIM, ce sont des dossiers qui sont défendables et rentables», a martelé M. Lavallée.

Pourtant, dans un extrait d’écoute d’avril 2008, il dit qu’il a dû mettre sa tête «sur la bûche» pour qu’un dossier passe au conseil de la SOLIM. Il y parle des «quais» _ la marina Brousseau _ et des terrains du 10-35, qui incluent un bar de danseuses. Il s’agit de deux dossiers qualifiés de toxiques devant la commission et dont la SOLIM s’est départie.

Me Lussiaà-Berdou l’a ensuite interrogé sur le «bilan social» fait sur tout entrepreneur avant que la SOLIM devienne son partenaire d’affaires. Ce bilan social est une sorte de portrait du comportement social d’un entrepreneur, à savoir s’il paie ses travailleurs au noir, par exemple.

Selon la preuve entendue jusqu’ici devant la commission, c’est le Fonds de solidarité qui s’en chargeait. Or, dans un extrait d’écoute électronique, Michel Arsenault se dit désarçonné d’apprendre que c’est parfois l’adjointe administrative de Jean Lavallée qui se chargeait de ces bilans sociaux.

Me Lussiaà-Berdou a tenté de faire dire au témoin qu’il pourrait être avantageux pour un entrepreneur d’offrir de l’argent pour que son «bilan social» soit favorable et que la SOLIM soit ainsi encline à investir dans son projet. Mais le témoin s’est rebiffé. «Arrête-moi ça toi là! Me donner 60 000 $, voyons donc! On n’est pas de même! Faut pas penser qu’on est une bande de corrompus. C’est faux! On n’est pas des corrompus. On est du monde qui travaille honnêtement. C’est pas à cause qu’il y a une pomme ‘pourrite’ dans le panier que tout le monde sont pourris», s’est exclamé M. Lavallée.

La juge France Charbonneau lui a demandé qui était cette pomme pourrie qu’il n’osait visiblement pas nommer. M. Lavallée est alors devenu hésitant, affirmant qu’il ne parlait qu’en général, pas d’une personne en particulier.

Son témoignage se poursuit mercredi.

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