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La gastronomie régionale a peu d’écho à l’étranger

Photo: Archives Métro

EXCLUSIF logoL’intérêt pour la gastronomie québécoise à l’étranger, que ce soit pour ses chefs de renom ou les produits du terroir qu’ils préconisent, se concentre autour des grands centres urbains de la Belle Province.

C’est ce que recense un nouveau rapport d’analyse d’Influence Communication réalisé entre le 1er juin 2012 et le 31 mai 2014 et dont Métro a obtenu copie en exclusivité. La firme a colligé les informations médiatiques de plus de 160 pays, dans 22 langues, pour tracer le portrait médiatique de la gastronomie d’ici à l’extérieur de nos frontières.

Les villes de Montréal et de Québec accaparent respectivement 46% et 43% de l’attention médiatique hors frontières alors que les régions se disputent le mince pourcentage laissé derrière par ces fourmilières culinaires, soit environ 11%.

D’un point de vue gastronomique, Québec et Montréal jouissent d’une masse critique nécessaire pour qu’une restauration de qualité s’y développe, prérequis dont les villes en région ne disposent pas, croit le professeur associé au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal spécialisé en cuisine et en gastronomie, Jean-Pierre Lemasson. «Ça prend suffisamment de gens pour pouvoir payer les prix plus significatifs [de la gastronomie]. En d’autres termes, plus la ville est grosse, plus les cuisiniers peuvent faire des propositions gastronomiques dont le coût est plus élevé», précise-t-il. C’est ce qui permet l’émergence des Toqué!, Saint-Amour et autres institutions qui se distinguent sur la scène internationale.

Les associations régionales se concentrent donc sur la promotion de leurs produits locaux. «Notre industrie est saisonnière et nos besoins autres», explique Louise Nadeau, directrice générale de Québec Maritime. L’intervenante touristique estime qu’il est difficile pour une région comme la sienne de se comparer en matière d’offre gastronomique aux grands centres urbains. «On concentre nos énergies autour des produits qui nous ressemblent, insiste-t-elle. Et c’est ce que les gens qui viennent nous voir cherchent. Ils veulent manger du homard qui vient d’être pêché, ils veulent se rassembler autour de feux de grève.»

Québec Maritime est l’une des rares associations touristiques régionales à pouvoir se permettre d’orchestrer des campagnes de promotion ciblant les touristes étrangers, puisqu’elle regroupe des acteurs du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, de la Côte-Nord et des Îles-de-la-Madeleine.

Miser sur les produits et raffiner l’expertise de leur conception est une stratégie qui fait consensus. Le président du Domaine Pinnacle, Charles Crawford, installé dans les Cantons de l’Est, exporte son cidre de glace dans 62 pays et reçoit une bonne part de touristes étrangers sur les 15 000 visiteurs annuels qu’il accueille. «On a collaboré avec les associations touristiques au début, mais on travaille surtout de pair avec les distributeurs. Il faut se déplacer dans les marchés locaux et s’entourer de bons partenaires.»

Les cidres et vins sont d’ailleurs passés au premier rang des produits québécois les plus médiatisés dans la presse étrangère durant l’année 2013-2014, supplantant le sirop d’érable, selon les données d’Influence Communication.

Les agences de tourisme voient difficilement comment elles pourraient recentrer autrement leurs campagnes par des arguments gastronomiques régionaux spécifiques. «[Le tourisme gastronomique], ça se fait plus en cours de route, c’est-à-dire une fois que les touristes sont déjà ici, observe pour sa part Maxime St-Laurent, de Tourisme Saguenay–Lac-St-Jean. Je ne crois pas que quelqu’un partirait de Londres avec la principale motivation de se déplacer pour goûter un de nos fromages.»

Jean-Pierre Lemasson partage ce point de vue. «Une fois que le touriste est au Québec, il faut réussir, avec des arguments gastronomiques originaux, à l’emmener jusqu’en région. Mais pas en faisant toutes sortes de campagnes [axées sur les régions] à l’étranger. D’ailleurs les gens n’ont aucune idée du positionnement géographique des régions.»

La distance peut être un frein, consent Maxime St-Laurent, mais pas toujours, selon l’intervenant touristique. «Si le produit est au rendez-vous et qu’il est positionné, les gens vont venir!» insiste-t-il. Charles Crawford estime pour sa part que ce n’est qu’une question de temps pour que les produits fins québécois fassent leur créneau.

Décalage historique
Les plats typiquement québécois qui trouvent écho à l’étranger sont rares, estime le professeur associé au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM Jean-Pierre Lemasson.

Si la poutine est une icône de la cuisine québécoise à l’international, la tourtière du Lac-Saint-Jean, une spécialité régionale pourtant bien connue à la grandeur de la province, n’a pas traversé les frontières (sinon très peu, avec un poids médias de 0,70%).

«Il y a des tas de pays qui ont l’équivalent de la tourtière dans leur cuisine locale, explique celui qui a consacré un livre à ce plat québécois. Pour des Européens, par exemple, ca ne représente pas une originalité suffisante. Il faut aimer la tourtière en titi pour parcourir toute cette distance!»

En France, la bouillabaisse, un plat typiquement provençal, est aujourd’hui national et transnational. «Le Québec a un décalage d’à peu près cent ans en ce qui concerne la stimulation touristique en région par rapport à la France, qui a commencé dès après la Révolution française, mais aussi au début des années 1900», évalue Jean-Pierre Lemasson.


Classement

Palmarès des régions et villes du Québec les plus médiatisées dans le monde pour leur gastronomie (du 1er juin 2012 au 31 mai 2014) et leur poids médiatique.
1. Montréal 46,04%
2. Québec 43,01%
3. Montebello 2,73%
4. Sherbrooke 2,07%
5. Montérégie 1,67%
Source: Influence communication

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