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Employer un intégriste: Weil se ravise

Photo: Jacques Boissinot/La Presse Canadienne

QUÉBEC – Après avoir dit qu’elle travaillerait volontiers avec un intégriste dans son cabinet, la ministre de l’Immigration, Kathleen Weil, a fait marche arrière en quelques heures mercredi, signe d’un autre empêtrement du gouvernement Couillard sur le thème de l’intégrisme.

En matinée elle soutenait que si son employé intégriste était un rigoriste religieux, mais ne faisait pas de mal à personne, elle n’avait pas d’objection à le côtoyer au quotidien, mais devant les proportions qu’avait prises l’affaire en journée, elle s’est ravisée et a corrigé ses propos en étant tout à coup très catégorique.

La question délicate de l’intégrisme et sa définition hantent le gouvernement libéral depuis des semaines. Le premier ministre Philippe Couillard a déjà fait savoir que l’intégrisme religieux était un choix personnel, une déclaration qui avait suscité la controverse. Il avait alors distingué l’intégrisme, une pratique religieuse privée rigoriste, du radicalisme. Les partis d’opposition, notamment le Parti québécois, avaient critiqué son interprétation, de même qu’une journaliste de Charlie Hebdo qui lui avait reproché de confondre piété et intégrisme.

Kathleen Weil a marché dans les mêmes traces mercredi, lorsqu’elle commentait la conception de son plan d’action pour la lutte au radicalisme, et le projet de loi péquiste sur un observatoire de l’intégrisme. Elle affirmait qu’il y avait de l’intégrisme qui pouvait être soit inoffensif ou soit dangereux, quand les échanges ont alors glissé, à savoir si elle aurait un problème à travailler avec un intégriste dans son propre cabinet.

«Intégriste, ça dépend jusqu’où (sur le plan) religieux, a-t-elle d’abord répondu au cours d’un point de presse en matinée. S’il est rigoriste, mais ne fait pas de mal à personne… C’est ça l’inquiétude pour une société démocratique, c’est la sécurité des gens.»

Elle a alors été appelée par un journaliste à préciser sa pensée, avec un exemple hypothétique d’un collègue qu’elle côtoierait au quotidien, un intégriste rigoriste qui respecte strictement ses préceptes religieux en privé.

«On n’a pas de jugement à porter sur cette personne en autant que la sécurité publique est protégée», a-t-elle confirmé.

Elle a soutenu que l’intégrisme en soi n’est pas dangereux et qu’elle ne connaît pas de pays disposant de plans d’action contre l’intégrisme. Toutefois, à la sortie du conseil des ministres en après-midi, son discours avait changé.

«Ce serait impossible que quelqu’un comme ça se retrouve dans mon cabinet, vraiment impossible», a martelé Mme Weil.

Sa définition de l’intégrisme s’était soudainement étoffée, pour justifier son rejet, et il ne s’agissait plus simplement d’un rigoriste et de ses pratiques religieuses en privé: un intégriste est devenu quelqu’un qui ne partage pas les valeurs démocratiques, qui ne croit pas en l’égalité entre les hommes et les femmes et qui fait la promotion de l’homophobie.

«C’est plus que de la rigueur (sic), a-t-elle justifié. C’est quelqu’un qui conteste la démocratie. C’est ce qui est ahurissant dans ce qu’on entend ces temps-ci. Je réagis fortement à ça.»

L’intégriste est «extrêmement conservateur», a-t-elle poursuivi, et n’a pas une «mentalité moderne». À la première entrevue d’embauche on verrait que cette personne n’a pas une «mentalité ouverte, progressiste».

Selon elle, il y a des gradations jusqu’au fondamentalisme, mais le lexique est «complexe» et elle veut rester simple pour être comprise. «C’est plus important de parler des vraies choses, c’est ce que les gens comprennent, je pense qu’il faut parler un langage simple», a-t-elle dit.

Elle n’a pas osé dire si, par conséquent, son plan d’action allait s’attaquer aussi à l’intégrisme, et non seulement à la «radicalisation».

Quand Pauline Marois était chef de gouvernement, en août 2013, en plein débat sur la projet de charte des valeurs, elle avait refusé de dire si elle travaillerait avec une femme voilée dans son cabinet. Elle avait dit que ses choix personnels n’influençaient pas les décisions de son gouvernement.

Par ailleurs, l’opposition péquiste a déposé un projet sur la mise en place d’un observateur de l’intégrisme religieux. Cet observateur serait chargé de relever et de documenter les manifestations d’intégrisme religieux au Québec, ainsi que d’en rendre compte aux parlementaires. L’opposition fait ainsi écho à un voeu cher à l’ancienne députée libérale Fatima Houda-Pepin.

Le gouvernement Couillard a accepté le dépôt du projet de loi de l’opposition. Le gouvernement conserve toutefois la prérogative de ne pas appeler le projet de loi, qui ne serait donc pas acheminé en commission parlementaire pour étude.

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