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La Cour suprême invalide les peines minimales

Photo: Sean Kilpatrick / La Presse Canadienne

OTTAWA – La Cour suprême du Canada invalide l’imposition de peines minimales pour la possession sans autorisation de certaines armes à feu.

Dans un jugement de six contre trois, le plus haut tribunal du pays confirme ainsi deux décisions de la Cour d’appel de l’Ontario qui statuaient que la loi adoptée par le gouvernement conservateur en 2008 imposait des peines cruelles et inusitées.

Cette loi, maintenant déclarée inconstitutionnelle, imposait des peines minimales — trois ans pour une première offense et cinq ans pour une récidive — pour la possession sans autorisation d’une arme à feu prohibée ou à usage restreint lorsque l’arme est chargée ou que les munitions sont facilement accessibles.

La juge en chef Beverley McLachlin a rédigé le raisonnement de la majorité, utilisant un vocabulaire qui pourrait facilement servir aux autres causes qui attaquent les peines minimales imposées par le gouvernement conservateur.

«Implacable, la peine minimale obligatoire est susceptible d’empêcher le tribunal d’arrêter une peine proportionnelle. (…) Dans certains cas extrêmes, elle peut même emporter l’infliction d’une peine injuste», peut-on lire dans le jugement.

«L’État n’a pas établi que les peines minimales obligatoires d’emprisonnement décourageaient la perpétration de crimes liés aux armes à feu», écrit aussi la juge en chef, citant des études scientifiques. «La preuve empirique indique que, dans les faits, les peines minimales obligatoires ne sont pas dissuasives», insiste la juge.

Depuis son arrivée au pouvoir, Stephen Harper a multiplié l’imposition de peines minimales obligatoires pour les crimes liés à la drogue et aux armes à feu ainsi que pour les crimes à caractère sexuel. Au dernier compte, il y avait au moins 57 infractions liées à une peine minimale obligatoire, alors que le chiffre était de 29 en 2005.

La Cour suprême revoyait deux causes ontariennes.

Dans ces deux causes, les hommes impliqués ne prétendaient pas que la peine ne convenait pas à leurs gestes mais plutôt qu’elle serait disproportionnée pour d’autres cas que les leurs. Et la majorité du plus haut tribunal du pays leur a donné raison.

Citant les cas d’une personne qui hériterait d’une arme à feu ou d’une épouse qui se trouverait en possession de l’arme de son conjoint, la Cour suprême conclut qu’«on peut prévoir que le par. 95(1) s’applique à des infractions règlementaires qui comportent une culpabilité morale minime, voire nulle, et qui n’exposent le public à aucun danger ou presque». Ainsi, il y a «discordance totale entre la gravité de l’infraction de type règlementaire et la peine minimale obligatoire de trois ans d’emprisonnement».

La Cour d’appel de l’Ontario avait statué, en novembre dernier, que la législation fédérale était inconstitutionnelle, rendant les peines minimales pour cette loi invalides en Ontario. Le jugement de la Cour suprême les annule pour l’ensemble du pays.

Dans un communiqué, le ministre fédéral de la Justice a offert la réaction de circonstance.

«Nous examinons la décision rendue aujourd’hui par la Cour suprême du Canada afin de déterminer ses incidences. Nous cherchons aussi à déterminer les mesures les plus adéquates à adopter pour protéger les Canadiens contre les crimes commis au moyen d’armes à feu et pour veiller à ce que nos lois puissent répondre efficacement à ce type de menace», a écrit le ministre Peter MacKay.

Plus volubile, le chef libéral Justin Trudeau a reproché au gouvernement conservateur de gaspiller l’argent des contribuables en poursuites inutiles devant les tribunaux.

Lors d’un point de presse à Oakville, en Ontario, il a accusé les conservateurs de «trop utiliser» les peines minimales obligatoires, une tendance qui, selon M. Trudeau, «n’assure pas nécessairement plus de sécurité aux Canadiens et gaspille de gros montants d’argent des contribuables perdus dans des contestations inutiles devant les tribunaux».

Pourtant, en 2008, cette loi avait eu l’appui de tous les partis d’opposition, y compris les libéraux. M. Trudeau maintient tout de même que c’est au gouvernement conservateur d’en porter l’odieux.

Chez les néo-démocrates aussi on reproche au ministre de la Justice d’avoir adopté une loi qui, en bout de ligne, ne passait pas le test de la Charte.

«On est en droit de se demander s’il est bien avisé ou s’il ne se préoccupe pas des avis qu’il reçoit», a soutenu Françoise Boivin, porte-parole en matière de justice pour l’opposition officielle.

Toutefois, elle se souvient que cette loi réagissait à un problème de possession d’armes de poing dans les grandes villes comme Toronto. «C’est un fléau», de l’avis de Mme Boivin.

La députée attend maintenant de voir ce que le gouvernement conservateur fera du jugement.

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