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Le vrai visage de la libââârté

Photo: Facebook

Ce n’était certainement pas son objectif, mais Jean-François Fillion a illustré parfaitement ce qu’est un privilège, mardi, en utilisant sa liberté d’expression pour piétiner celle d’un moins privilégié, le blogueur saoudien Raif Badawi, emprisonné et condamné à 1000 coups de fouet pour avoir exprimé son opinion.

«C’t’un cave. J’m’excuse, mais les coups de fouet, il va les avoir», a-t-il déclaré à propos d’un homme dont il avoue ne pas vraiment connaître le nom et dont le seul défaut semble être de retenir trop l’attention de RDI.

Il y a quelque chose de révélateur quant à l’effet aveuglant que peuvent avoir les privilèges sur la personne qui les détient dans le fait que Jean-François Fillion n’a jamais réalisé l’ironie dans laquelle il se mettait les pieds. Le grand défenseur de la libââârté de Québec s’indignait qu’on se préoccupe de la liberté d’expression – et des droits de la personne – d’un blogueur dont la famille s’est réfugiée au Québec.

Faut-il rappeler qu’en 2004 des dizaines de milliers de Québécois, parmi lesquels des gens qui disaient ne pas blairer le personnage, ont marché dans les rues de Québec au nom de la liberté d’expression, pour que LUI puisse déverser ses déjections oratoires sur les ondes en dépit d’une décision du CRTC de ne pas renouveler la licence de CHOI? À l’époque, la nouvelle avait fait le tour du monde, et des médias équivalents à RDI dans d’autres pays s’étaient préoccupés du droit de Jean-François Fillion de dire ce qu’il pense des personnes handicapées, des femmes, des pauvres et des étrangers.

Mais, par une interprétation radicale du concept de souveraineté des États, selon Jean-François Fillion, le Canada, lui, devrait se croiser les bras devant la torture que subit Raif Badawi. Entre la liberté de M. Fillion de tenir des propos sexistes, homophobes, attisant la haine envers les moins privilégiés, et celle de M. Badawi de remettre en question un régime qui bafoue ses droits, force est d’admettre que toute chose n’est pas égale.

Il y a toutefois beaucoup de noblesse dans la réponse qu’Ensaf Haidar, la femme de Raif Badawi, a servie sur Twitter au grossier animateur : «Je n’en veux pas à M. @jefffillion C’est son opinion et je respecte toutes les opinions. C’est pour cela que Raif Badawi se bat.» Voilà une sage leçon de… compassion – disons-le comme ça – pour Jean-François Fillion.

Contrairement à Mme Haidar, je ne suis pas certaine qu’il faille respecter toutes les opinions pour honorer le principe de liberté d’expression. Visiblement, certaines opinions sont plus éclairées que d’autres, et certaines personnes font un usage plus adéquat d’un droit précieux.

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