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Harper bientôt poursuivi pour son inaction environnementale?

Karine Péloffy, dg du CQDE Photo: Collaboration spéciale

Le fait que le gouvernement des Pays-Bas ait été condamné par la cour à accélérer sa réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) fait rêver les défenseurs de l’environnement, qui évaluent la possibilité de poursuivre le gouvernement fédéral. Entrevue avec Karine Péloffy, directrice générale du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).

Que faut-il retenir du jugement néerlandais?
C’est une énorme victoire, car c’est le premier jugement à établir clairement ce type d’obligation à un État dans le domaine de la lutte contre les changements climatiques. L’État devra prendre des mesures pour accélérer la réduction des GES de 25% en 2020 par rapport à 1990. On avait aussi jusqu’ici tendance à croire que les responsabilités d’un État se limitaient aux lois qu’il adoptait et aux traités internationaux qu’il signait. On sait désormais que, dans le cas d’une problématique sévère, comme les changements climatiques, un gouvernement a un devoir d’attention ou de diligence (duty of care). Ce jugement n’est pas sans rappeler les dossiers du tabac et de l’amiante. Il démontre que, quand un État ne veut pas durcir ses lois pour continuer à protéger une industrie, comme ce fut le cas pour le tabac ou l’amiante, les tribunaux de droit commun s’en chargent.

Une telle poursuite pourrait-elle avoir lieu au Canada?
Ce serait possible d’entreprendre un tel recours en vertu notamment du droit à la sécurité, à la vie et à la liberté, soit l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, en plus des principes de la responsabilité civile et du droit coutumier international. Et même si le gouvernement Harper, à travers ses différents projets de loi «mammouth», s’est assuré que les lois environnementales soient beaucoup moins contraignantes, le jugement rendu aux Pays-Bas laisse entendre qu’il est possible d’imposer des obligations au-delà des lois écrites quand la gravité de la situation l’exige. Or, l’idée que les GES sont principalement en cause dans les changements climatiques fait désormais quasiment consensus, et les plus grands émetteurs de GES sont de plus en plus facilement identifiables. Les scientifiques américains sont par exemple désormais capables de juger de façon probabiliste que 63% des émissions cumulatives de GES entre 1751 et 2010 sont attribuables à 90 entreprises, dont 56 viennent du secteur pétrolier et gazier. Une telle victoire juridique au Canada, et ce serait l’expansion des sables bitumineux qui serait remise en cause.

Une poursuite est donc pour bientôt?
Disons que, pour l’instant beaucoup de gens ont de l’intérêt, mais on n’en est pas encore à la phase de concrétisation. Il faut évaluer tous les arguments juridiques nécessaires, s’assurer d’avoir les ressources humaines prêtes à s’investir bénévolement ou à taux réduit pendant une longue période de temps et trouver les fonds pour financer les expertises techniques, qui peuvent être coûteuses. Une victoire dépend aussi beaucoup de la chance, ou plutôt du choix du juge qui serait appelé à juger le recours. Tomber sur un juge progressiste ou conservateur ne donnerait probablement pas les mêmes résultats.

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