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Nigel Wright témoigne au procès de Mike Duffy

Jennifer Ditchburn et Kristy Kirkup - La Presse Canadienne

OTTAWA – Au sein du bureau du premier ministre, ils l’appelaient le «scénario de remboursement» — un plan qui devait faire disparaître discrètement le scandale des dépenses de Mike Duffy, sans que personne ne suggère que le sénateur avait fait quelque chose de mal.

Nigel Wright, l’ancien chef de cabinet de Stephen Harper, aussi un témoin-clé du procès criminel de Mike Duffy, a affirmé mercredi dans son témoignage qu’il n’avait pas dit au premier ministre que le plan prévoyait que quelqu’un d’autre allait rembourser les dépenses contestées.

Mais plusieurs proches collaborateurs étaient au courant de cet aspect du plan et ils ont participé aux négociations souvent tendues qui se sont déroulées en coulisses en 2013.

M. Harper a été informé du plan de façon générale, a dit M. Wright.

«J’ai dit (à M. Harper) que le sénateur Duffy avait accepté de rembourser; je lui ai donné en termes très généraux, pas en détail, les lignes médias», a déclaré M. Wright.

«Je crois que ce que j’ai souligné au premier ministre était que nous croyions, et que le gouvernement allait dire, que le sénateur Duffy avait possiblement fait une erreur dans ses réclamations (…) plutôt qu’une malversation, et qu’il les rembourserait».

Cette transaction est au coeur de trois des 31 accusations criminelles qui ont été portées contre Mike Duffy en lien avec ses réclamations pour des allocations de logement et des frais de subsistance, dont fraude, corruption et abus de confiance. Il a plaidé non coupable à chacune d’entre elles.

Le témoignage de M. Wright est notamment lié à son désormais célèbre chèque de 90 000 $ qui a servi à rembourser les dépenses du sénateur Duffy.

M. Wright, qui a pris l’avion de Londres où il travaille désormais pour venir témoigner à Ottawa, a répondu mercredi aux questions du procureur de la Couronne Jason Neubauer avec de longues réponses détaillées.

Il se rappelait des dates et des conversations téléphoniques précises et a admis avoir été en colère contre Mike Duffy à différents moments — et ultimement avoir eu des regrets.

«Si cela devenait public, je pensais que cela serait embarrassant. Mais il y avait beaucoup de connotations auxquelles je n’avais pas vraiment réfléchi à fond», a dit M. Wright. «Si j’y avais réfléchi, je ne l’aurais peut-être pas fait.»

Le témoignage fort attendu de Nigel Wright a été accompagné par 426 pages de courriels internes qui ont été déposés à la cour mercredi et qui font état des négociations au sujet des dépenses discutables réclamées par Mike Duffy.

Les discussions ont impliqué Nigel Wright, Mike Duffy, l’avocat du bureau du premier ministre Benjamin Perrin, l’avocat de M. Duffy et d’autres stratèges et du personnel des communications au sein du bureau de Stephen Harper.

Ce projet de plan, qui a circulé en février 2013, incluait l’idée que Mike Duffy devrait être exclu de l’audit réalisé par la firme externe Deloitte sur les dépenses de certains sénateurs.

«Le but est de mettre fin aux questions incessantes sur ces dépenses», est-il écrit dans un courriel de l’ancien directeur de la gestion des dossiers de M. Harper, Chris Woodcock.

«Un paiement proactif permettrait au sénateur Duffy de dire qu’il a fait ce qui est juste sans être trouvé coupable par Deloitte d’avoir violé les règles. Le comité sénatorial pourrait interrompre l’audit s’il admet une erreur ou admet avoir mal agi.»

Au premier jour de son témoignage, mercredi, M. Wright a déclaré avoir dit au premier ministre que M. Duffy allait rembourser ses dépenses, mais n’a jamais mentionné que le plan à ce moment prévoyait qu’une autre personne allait payer le tout en son nom.

Dans ses questions, M. Neubauer a aussi insisté pour avoir des détails sur un courriel envoyé par M. Wright après des discussions avec Stephen Harper indiquant qu’ils avaient «le feu vert du premier ministre».

«Qu’est-ce que « avoir le feu vert » signifie dans ce contexte?», a demandé M. Neubauer.

«Avoir le feu vert signifie que les points que je voulais soulever avec le premier ministre ont été soulevés et que nous pouvions procéder avec ce plan», a répondu M. Wright.

«Avez-vous dit au premier ministre qu’il y avait une entente selon laquelle le parti allait faire le paiement à ce moment?», a poursuivi M. Neubauer.

«Non», a rétorqué M. Wright.

Pour maintenir son admissibilité au Sénat, M. Duffy a prétendu que sa maison de campagne de l’Île-du-Prince-Édouard — la province qu’il représente — était sa résidence principale. Il maintenait que sa maison de Kanata, en banlieue d’Ottawa, était sa résidence secondaire et réclamait donc des frais de logement en conséquence.

M. Wright, qui a ultimement transféré 90 000 $ à Mike Duffy pour faciliter le remboursement des fonds, a fait l’objet d’une enquête de la Gendarmerie royale du Canada, qui a décidé de ne pas déposer d’accusations contre lui.

Quant au premier ministre Stephen Harper, il continue de soutenir son ancien chef de cabinet.

Participant à un événement de campagne mercredi à Vancouver, M. Harper a fait écho à la version de M. Wright au sujet de leur rencontre à une réunion du caucus conservateur en février 2013.

Il affirme avoir dit au sénateur que ses dépenses refusées «ne pouvaient être justifiées» puisque M. Duffy n’avait jamais réellement fait ces dépenses — «peu importe ce que disent les règles».

M. Harper affirme avoir dit au sénateur qu’il devait les rembourser.

Lorsque cela a été fait, M. Harper affirme qu’il croyait alors que M. Duffy les avaient remboursées lui-même.

Lorsqu’il a appris que dans les faits, M. Wright avait fait le paiement de 90 000 $ au nom de M. Duffy, le premier ministre a dit qu’il avait rendu rapidement cette information publique et «fait les actions nécessaires».

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