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Des «lacunes» décriées dans le règlement qui encadrera le bureau des enquêtes indépendantes

Photo: Mario Beauregard/TC Média

Le règlement qui encadrera le travail du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), censé mener des enquêtes sur des incidents graves impliquant des policiers, fait l’objet d’inquiétudes tant du côté des organisations de défense des droits des citoyens que du côté des corps policiers.

Une poignée de groupes, dont la Ligue des droits et libertés (LDL) et la Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) ont lancé un appel mercredi à la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, pour qu’elle modifie ce règlement.

«Ce règlement compromet la crédibilité, l’efficacité et l’autorité du BEI», a lancé mercredi en point de presse la coordonnatrice de la LDL, Nicole Filion.

Selon le groupe, la définition des incidents sur lesquels enquêtera le BEI est trop restreinte, se limitant qu’aux incidents où une personne meurt ou est blessée gravement lors d’une intervention policière. Le groupe déplore que d’autres incidents, tels les agressions sexuelles ou les usages de force excessive lors de manifestations, échapperont au mandat du Bureau.

Le règlement permet aussi aux policiers mis en cause lors d’un incident sous enquête par le BEI de communiquer avec d’autres policiers avant de rencontrer les enquêteurs du BEI. Le Bureau des enquêtes indépendantes pourra aussi, selon le règlement, emprunter des effectifs aux corps policiers pour mener à bien ses enquêtes. Selon le groupe, le BEI devra vraisemblablement le faire souvent, puisque ses ressources sont limitées, avec seulement 3,2 M$ de budget, 26 employés et 18 enquêteurs pour enquêter sur les plus de 15 000 policiers au Québec.

«Si le gouvernement veut avoir un BEI à bon marché, malheureusement, ça va se faire au prix de la confiance du public», estime Alexandre Popovic, de la CRAP.

Toutes ces «lacunes» remettront en cause l’indépendance du BEI, juge le groupe.

«Ça fait longtemps qu’on demande la fin des enquêtes sur la police par la police, déplore Mme Filion, qui croit qu’un véritable BEI civil et indépendant serait souhaitable. On n’a pas fait tout ce chemin pour en aboutir là.»

Gronde des policiers
Quant à elle, l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ) s’est dit «déçue» du règlement dans un communiqué émis mercredi. «Ce qui nous inquiète dans le règlement tel que présenté, c’est l’absence de droits fondamentaux auxquels tout citoyen a droit», a affirmé à Métro le président de l’APPQ, Pierre Veilleux.

Lorsqu’il arrive un incident, un policier doit rédiger un rapport administratif. Selon la mouture actuelle du règlement, si l’incident fait l’objet d’une enquête du BEI, les enquêteurs pourront avoir accès à ce rapport.

Or, une enquête du BEI peut mener à des accusations criminelles contre le policier. Selon M. Veilleux, le principe de non-incrimination protégé par la Charte des droits et libertés sera alors brimé, puisque le policier en question a rédigé son rapport avant de faire l’objet d’une enquête.

Par exemple, M. Veilleux explique que, lorsqu’un témoin devient un suspect, on doit lui faire une mise en garde, le mettre au courant de ses droits et faire une entrevue formelle. Tout ce qu’il a dit aux policiers en tant que témoin avant d’être déclaré suspect ne peut pas être retenu contre lui. Or, le rapport administratif d’un policier, rédigé avant le début de l’enquête du BEI, pourrait, lui, être utilisé par les enquêteurs pour suggérer au Directeur des poursuites criminelles et pénales d’accuser le policier.

Lise Thériault ouverte
La ministre Thériault tenté de se faire rassurante, à son entrée au caucus libéral mercredi à Québec. «Le règlement a été écrit en fonction de ce qui s’est dit en commission parlementaire. Il est tout à fait normal que tous les organismes, qu’on soit pour ou contre, à ce stade-ci émettent leurs commentaires. Évidemment, on va tomber en analyse et on fera des corrections si nécessaire», a-t-elle dit.

(Avec la Presse canadienne)

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