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Je me souviens de 1995: les anglophones se mobilisent

No supporters celebrate at their campaign headquarters in Montreal Monday, Oct. 30, 1995 as they watch the referendum results roll in. (CP PHOTO/Fred Chartrand) Photo: Canadian Press
Marie-Ève Shaffer et Maxime Huard - Métro

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La lutte qui a opposé les camps du Oui et du Non en octobre 1995, lors du deuxième référendum sur l’indépendance, a laissé une trace indélébile dans la mémoire collective des Québécois. Vingt ans plus tard, Métro a parlé à des témoins importants de la campagne afin de revivre la fièvre référendaire dans une série d’articles qui seront publiés tout au long du mois. Aujourd’hui, retour en arrière avec des membres de la communauté anglophone.
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«En 1534, Jacques Cartier a découvert le Canada. En 1995, Jacques-Cartier a sauvé le Canada.» Ce n’est pas sans fierté que Robert Valdmanis, ancien organisateur en chef du camp du Non dans la circonscription de Jacques-Cartier, se remémore son travail durant la campagne référendaire.

En fait d’unité canadienne, Jacques-Cartier a effectivement fait sa part. Les électeurs de ce secteur de l’ouest de l’île de Mont­réal, majoritairement anglophones, ont voté en bloc pour le Non en 1995. Sur 45 114 électeurs ayant voté, 40 689 se prononcent contre l’indépendance du Québec, avec un taux de participation de 95,84%, le quatrième plus haut de la province.

«L’idée de la séparation terrifiait les gens. La communauté s’est donc rapidement mobilisée», se rappelle M. Valdmanis. Très tôt, l’organisateur se retrouve avec 2000 bénévoles désirant s’engager d’une façon ou d’une autre. «La passion pour le Canada a rassemblé les gens de manière très soudaine.»

Au fil de la campagne, à mesure que le Oui grimpe dans les sondages en raison de la performance de Lucien Bouchard, l’enthousiasme initial fait place à la panique. «Les gens ont commencé à se dire: “Ça pourrait vraiment arriver”», se souvient M. Valdmanis.

À un tel point qu’il doit sans cesse trouver de nouvelles façons de motiver ses militants. Un soir, il s’arrête au bureau de campagne du Oui, où un bénévole tue le temps dans un local désert. «Je lui ai fait croire que je voulais des affiches, raconte-t-il en riant. J’ai ramené des piles et des piles de matériel dans notre local en disant que j’avais dévalisé le camp du Oui!»

Le mouvement partitionniste
D’autres membres de la communauté anglophone veulent monter au front, mais se voient laissés sur les lignes de côté. C’est le cas de Keith Henderson, à l’époque chef du Parti égalité. «Nous voulions faire campagne sur les principes actuels de la loi sur la clarté. 50 % + 1 ne donne pas la légitimité de partitionner le pays. Les Canadiens loyaux qui désiraient rester au Canada devaient être protégés par le fédéral, par un changement de frontière si nécessaire», martèle-t-il.

Le message du parti, perçu comme négatif, passe mal auprès des hautes instances du camp du Non. Essentiellement, les troupes de M. Henderson militent pour une partition du territoire québécois en cas de victoire du Oui. «Chaque pouce carré du Québec appartient à tous les Canadiens», insiste-t-il. «Comme disait Pierre Elliott Trudeau: “Si le Canada est divisible, le Québec l’est tout autant.”»

Privé de financement jusqu’à la dernière semaine de campagne, ce n’est qu’après le référendum que lui et ses acolytes tenteront de convaincre des communautés à forte proportion anglophone d’adopter des motions de partition. Le plan, approuvé par une trentaine de municipalités, prévoyait relier une série de localités formant une bande de terre de Montréal à l’Ontario, et qui serait demeurée attachée au Canada.

La réserve de Peter Trent
Dans le tourbillon référendaire, le maire de l’emblématique municipalité anglophone de Westmount, Peter Trent, choisit de rester en retrait, un silence stratégique. «Tout le monde savait que j’étais contre la séparation. Si j’étais monté aux barricades, ça aurait pu donner des munitions au camp du Oui», illustre-t-il. Malgré des pressions, M. Trent se garde d’intervenir, au grand dam de certains de ses commettants. «Plusieurs acteurs de la communauté ont publiquement critiqué ma position. Mais stratégiquement, c’était la meilleure chose à faire», affirme celui qui était également vice-président de la CUM à l’époque.

De la même façon, M. Trent refusera de joindre la voix de Westmount au mouvement partitionniste, mené par le Parti égalité. «J’étais contre. Faire ça au niveau municipal, c’était une recette pour le désastre. Si les francophones, même fédéralistes, avaient eu à choisir entre le Canada ou le Québec après une victoire du Oui, ça aurait été le Québec, déclare M. Trent. Mais ça démontre à quel point la communauté anglophone était angoissée par le référendum. Ça a été vécu comme un rejet.»

«Je suis sensible à l’enjeu du français. Mais pour le protéger, il y a d’autres moyens que la bombe atomique de la séparation.» – Peter Trent, maire de Westmount

Une Anglo pour le Oui

Elle est originaire de l’Ontario et elle s’est prise d’affection pour le Québec. Depuis plus de 20 ans, elle milite pour que le Québec devienne indépendant.

«La souveraineté du Québec, j’y crois beaucoup», a lancé Kathryn (nom fictif) en entrevue à Métro. Elle a préféré garder l’anonymat en raison de ses responsabilités professionnelles.

Kathryn est devenue souverainiste à la suite de l’échec de l’accord de Charlottetown, en 1992. Elle a milité au sein des partis politiques ainsi que dans le Réseau des Québécois anglophones pour le Oui. Pendant la campagne référendaire, elle a participé à une sortie publique aux côtés du président de la CSN de l’époque, Arthur Sandborn, et de l’avocat de Westmount Antoine Paré pour inciter les anglophones à «sortir du placard». Des chandails sur lesquels était inscrit le slogan «Oui, that’s it, that’s all!» avaient pour ce faire été confectionnés.

Puisqu’elle faisait partie de la minorité d’anglophones en faveur de la souveraineté, elle a accordé des entrevues à quelques médias. Elle se souvient toutefois d’une station de télévision qui a refusé de l’interviewer en lien avec le grand rassemblement du Non à Montréal. «Des médias anglophones ne voulaient pas présenter une image diversifiée du mouvement souverainiste, rapporte-t-elle. Ils voulaient des Canadiens français. La couverture n’était pas toujours représentative.»

«J’étais plus que la bienvenue dans le mouvement souverainiste.» – Kathryn, qui détient encore aujourd’hui sa carte de membre du Parti québécois, du Bloc québécois et d’Option nationale.

Archives référendaires: semaine 2

PARIZEAU BOUCHARD
Bouchard à l’avant-plan
«À trois semaines du vote, rien n’est fini, tout commence», déclare Lucien Bouchard, chef du Bloc québécois, le 7 octobre 1995. Il a prononcé ces paroles après que le premier ministre, Jacques Parizeau, l’eut nommé négociateur en chef en cas de victoire du Oui. Ce choix a fait bondir l’option souverainiste de trois points dans les sondages, à 49,5%. / Archives La Presse Canadienne

Bombardier menace de partir
Bombardier a menacé de quitter le Québec si le Oui l’emportait au référendum de 1995.

  • «La séparation du Québec risque d’entraîner une baisse du niveau d’activité des entreprises, de compromettre leur avenir et de mettre en cause des milliers d’emplois», a déclaré le président-directeur général de Bombardier, Laurent Beaudoin, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
  • M. Beaudoin expliquait qu’il aurait «une décision à prendre dans l’intérêt des actionnaires si la souveraineté du Québec devenait réalité».
  • Le premier ministre, Jacques Parizeau, a accusé par la suite les gens d’affaires en faveur du Non de «cracher sur les Québécois». Il faisait référence entre autres à Bombardier, mais aussi à la Banque Royale et à SNC.
  • Plus tard dans la campagne référendaire, Laurent Beaudoin a indiqué qu’il était revenu sur sa décision et qu’il n’envisageait plus de déménager Bombardier. Il a toutefois fait état de prédictions économiques sombres en évoquant une fuite des capitaux, une dévaluation du dollar et l’apparition d’une monnaie québécoise.

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