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Retrait de désignations au nom de Claude Jutra demandé par Québec

Photo: Paul Chiasson/La Presse Canadienne
La Presse Canadienne - Avec Laurence Houde-Roy/Métro

QUÉBEC — Le dévoilement mercredi de la pièce manquante aux allégations de pédophilie visant le cinéaste Claude Jutra, soit le témoignage d’une victime agressée à partir de l’âge de 6 ans, est en voie de faire pencher la balance en faveur d’une révision de sa place dans l’espace public.

D’une part, la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Hélène David, a demandé à Québec Cinéma de retirer le nom de Claude Jutra du gala annuel qui récompense les artisans du milieu cinématographique.

Lors d’une brève mêlée de presse, la ministre a estimé la situation “intenable”. “C’est totalement bouleversant”, a-t-elle laissé tomber. Elle s’est entretenue avec le président de l’organisme, Patrick Roy, tôt mercredi matin, pour lui demander “en mon nom et au nom du gouvernement de retirer le nom de Claude Jutra au gala Jutra”.

Québec Cinéma a rapidement répondu à l’appel de la ministre. Lors d’un point de presse, en après-midi, il a annoncé qu’il changera le nom du gala des Jutra, qui récompense les artisans du cinéma québécois.

« J’ai été profondément bouleversé en lisant le témoignage de la présumé victime qui s’est confiée à visage couvert au quotien La Presse, a confié Patrick Roy, président du conseil d’administration de Québec Cinéma. C’est ce qui nous a poussé à prendre la décision de changer le nom du gala. »

La décision a été entériné à l’unanimité par la conseil d’administration. Le gala télévisé, qui aura lieu le 20 mars prochain, portera donc un nom générique temporaire qui n’a pas encore éte choisi. Les artistes ne recevront pas de trophé portant le nom du défunt cinéaste. Un trophé au design temporaire sera produit pour cette soirée.

D’autre part, la ministre David a aussi demandé à la Commission de toponymie du Québec de lui fournir la liste de tous les lieux publics portant le nom de Claude Jutra afin que les municipalités soient en mesure de la consulter et décider si elles maintiendront ou non les désignations au nom du cinéaste.

Après que la ministre ait fait cette demande mercredi matin, le maire de Montréal, Denis Coderre, a annoncé que le nom de Claude Jutra sera retiré de la toponymie de Montréal.

Il y a actuellement un croissant de rue dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Tremble qui porte le nom de Claude Jutra.
Croissant Claude Jutra RDP-PAT

Un parc, au coin des rues Prince-Arthur Ouest et Clark, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, porte également le nom du défunt cinéaste.
Parc Claude-Jutra Plateau

Le maire Coderre a déclaré qu’il “ne fallait pas défendre l’indéfendable.” Il a également assuré que son administration travaillera à nommer ce croissant de rue et ce parc sous un autre nom «représentant Montréal».

«Je veux saluer la ministre David qui a demandé de retirer le nom Jutra autant du gala des Jutra que de la toponymie de Montréal. On donne suite à sa demande», a mentionné le maire.

Les maires de Québec et de Lévis, Régis Labeaume et Gilles Lehouiller, ont également annoncé mercredi que les rues portant le nom Claude-Jutra dans leur municipalité — il y en a une dans chaque ville — seraient renommées.

La Cinémathèque québécoise a également confirmé qu’elle changera le nom de sa salle principale qui porte actuellement le nom de Salle Claude-Jutra.

«La renommée d’un agresseur faisant porter sur ses victimes un poids dont il est difficile de se dégager, ceux qui contribuent à cette renommée portent collectivement une responsabilité dont ils doivent s’acquitter, a déclaré Marcel Jean, directeur général de la Cinémathèque québécoise, par communiqué. Les membres du conseil d’administration se sont consultés ce matin et ont pris la décision de retirer la dénomination de notre principale salle de projection.»

Jusqu’à nouvel ordre, la Cinémathèque québécoise désignera cet espace sous le nom de «Salle de projection principale».

Claude Jutra, qui s’est enlevé la vie en 1986, a d’abord fait l’objet d’allégations de crimes de pédophilie dans une biographie lancée mardi, mais ces allégations ne reposaient que sur la foi de témoins anonymes.

Les propos et gestes de la ministre David et du maire Coderre surviennent dans la foulée de la publication d’une entrevue par “La Presse” où un homme affirme avoir subi de la part du cinéaste une multitude d’agressions sexuelles pendant une période d’une dizaine d’années, à partir de l’âge de 6 ans. La ministre David a dit avoir été secouée par la lecture de ce témoignage.

La publication de la biographie de Claude Jutra écrite par Yves Lever et son évocation de relations avec des jeunes garçons avait déjà incité des gens du milieu cinématographique à réclamer que le nom de Claude Jutra ne soit plus associé au gala qui célèbre annuellement le cinéma québécois.

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