Soutenez

Uber: le gouvernement impose un bâillon

Uber. Jeff Chiu / The Associated Press Photo: Jeff Chiu / The Associated Press

QUÉBEC – Le gouvernement Couillard a imposé un bâillon pour faire adopter son projet de loi 100 sur Uber vendredi en soirée, autre épisode d’une longue controverse qui a même divisé le Parti libéral.

Les libéraux ont refusé des amendements de l’opposition visant à forcer Uber à payer ses arrérages en taxes et impôts avant de pouvoir bénéficier d’un projet pilote.

Le projet de loi 100 a été adopté à 57 voix contre 41, les trois partis d’opposition ayant voté contre.

Il entrera en vigueur dans trois mois, le temps de discuter d’un projet pilote avec Uber, mais surtout il donne désormais carte blanche au ministre pour accepter des projets pilotes sous toutes les formes, en vertu des amendements du gouvernement, ce qui risque de relancer la guerre avec les chauffeurs de taxi qui réclament un régime unique pour tous.

L’opposition officielle qui était favorable à un premier consensus sur ce projet de loi s’est finalement prononcée contre en affirmant que la pièce législative était «corrompue» par les derniers amendements, qui «flouaient» les chauffeurs de taxi, pour reprendre les termes de la porte-parole péquiste en matière de transports, la députée de Vachon, Martine Ouellet, lors du débat final en soirée.

En cette dernière journée de session parlementaire, Québec voulait faire adopter rapidement sa loi, mais Québec solidaire (QS) a refusé dès la matinée de donner son consentement aux procédures. Le Parti québécois a aussi fait savoir plus tard qu’il s’opposait au projet de loi tel qu’amendé.

Le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, a fait savoir vendredi après-midi que la Chambre allait donc être rappelée par le premier ministre pour faire une procédure d’exception. Après un ajournement, les débats ont donc repris en soirée pour une nouvelle séance spéciale.

«Ils (les députés de Québec solidaire) ont retiré leur consentement, a déclaré M. Fournier en conférence de presse. Je le regrette parce que nous, on doit fonctionner avec les paroles données, et là, ça crée la difficulté que nous avons présentement. Évidemment on va la surmonter, mais je trouve ça dommage pour le parlementarisme.»

C’est la première fois qu’un projet de loi qui a franchi l’étape de l’étude article par article en commission parlementaire nécessite une procédure d’exception, a-t-il fait remarquer.

Autant le PQ que QS reprochent au gouvernement d’avoir fait adopter un amendement qui peut être contraire à l’engagement concernant l’uniformité des règles qu’avaient pris les libéraux.

L’article 89.1 amendé stipule maintenant que le ministre peut autoriser des projets pilotes «selon des normes et des règles qu’il édicte, différentes de celles prévues par la présente loi et ses règlements ou de toute autre loi et règlement dont l’application relève du ministre».

Les amendements du PQ et de QS visaient à empêcher qu’il y ait deux classes de chauffeurs de taxi, l’une assujettie à toutes les règles et obligations, l’autre à des obligations allégées.

Ils visaient aussi à forcer le promoteur du projet pilote à régulariser sa situation avec Revenu Québec, soit un des talons d’Achille d’Uber, qui ne paie pas ses taxes et impôts depuis son arrivée au Québec.

De son côté, le gouvernement soutient que son amendement maintient le principe de gestion de l’offre et préserve l’équité pour tous les titulaires des permis de taxi.

La porte-parole péquiste, la députée de Vachon, Martine Ouellet, a dénoncé en Chambre durant la séance spéciale cet amendement «surprise» présenté presque «en catimini» pour accommoder une «multinationale voyou», qui «se cache dans les paradis fiscaux».

M. Daoust est «tellement affaibli» par la crise au ministère des Transports (MTQ) et la controverse sur la vente des actions de Rona par Investissement Québec qu’il a dû «concocter un amendement pour faire plaisir aux jeunes libéraux et caquistes et à Uber», a-t-elle déploré.

Par ailleurs, le Comité provincial de concertation et de développement de l’industrie du taxi (CPCDIT) soutient qu’il se rallie aux derniers amendements apportés par le gouvernement, en espérant que M. Daoust respecte sa parole, comme quoi l’industrie du taxi ne serait pas pénalisée en aucune façon par la création d’un projet pilote et qu’Uber soit forcée à en arriver à une entente avec Revenu Québec avant d’obtenir un éventuel projet pilote.

«Nous estimons qu’il est gênant qu’une entreprise qui fonctionne illégalement réussisse à négocier avec le gouvernement, a déclaré le président du CPCDIT, Georges Tannous, par voie de communiqué. On donne notre accord, beaucoup par dépit, parce que nous voulons tenter de protéger nos 22 000 familles et préserver la paix sociale.»

Le regroupement a invité ses chauffeurs à avoir un comportement exemplaire durant le Grand Prix de Formule 1 du Canada à Montréal en fin de semaine.

La multinationale poursuivra ses activités illégales dans l’intervalle des négociations sur le projet pilote, contrairement à son engagement, ce qui va à l’encontre des revendications des chauffeurs de taxi.

Le parcours du gouvernement Couillard pour aboutir à son projet de loi a été semé d’embûches. Après de nombreuses consultations et même la disgrâce ministre Robert Poëti au profit de Jacques Daoust, le gouvernement a dû faire face à une contestation ouverte des jeunes libéraux qui ont pris ouvertement le parti d’Uber contre un projet de loi qu’ils jugeaient trop restrictif.

Dans son projet de loi 100, le gouvernement propose d’obliger tous les chauffeurs à avoir un permis de conduire de classe 4C, spécifiquement réservé aux taxis, qui nécessitera une vérification de leurs antécédents judiciaires et une formation en service à la clientèle.

Toutes les voitures qui servent à des activités de taxi devront avoir une plaque d’immatriculation désignée comportant la lettre T.

Les chauffeurs d’Uber, qui étaient exemptés d’une portion de la perception des taxes de vente à titre de travailleurs autonomes, devront acquitter les montants de TPS et TVQ relatifs à leurs activités, au même titre que les autres. Actuellement, Québec estime ses pertes annuelles en taxes et impôts à approximativement 20 millions $.

Le gouvernement soutient qu’il ne peut faire un trait sur le système actuel de contingentement des permis de taxi, au nom de «l’équité» et de la «justice sociale» parce que des chauffeurs de taxi ont payé cher leurs permis pour s’assurer d’un gagne-pain.

Québec estime qu’il en coûterait 1,3 milliard $ pour dédommager les chauffeurs de taxi en rachetant leurs permis, soit bien plus que le fonds de transition proposé par Uber.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.