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Six raisons pour lesquelles les Nordiques ne reviendront pas

25 Nov 1992: Defenseman Steven Finn of the Quebec Nordiques moves down the ice during a game against the Buffalo Sabres at Memorial Auditorium in Buffalo, New York. Mandatory Credit: Rick Stewart /Allsport Photo: Archives Getty Images

Mon amie Lise Ravary s’insurgeait, lors d’une chronique récente, du fait que Québec soit manifestement exclue de la prochaine expansion de la LNH, le tout au profit de l’Américaine Seattle.

Son propos se résume, pour l’essence, de la manière suivante:

«Bêteman ne ment pas quand il dit qu’il n’a rien promis à Québec. En fait, il n’a jamais affiché le moindre enthousiasme pour Québec, ville de hockey. Pour le Québec, terre de hockey. C’est écrit dans sa face depuis le début. Après tout, c’est à Montréal, Québec qu’est né le hockey moderne, en 1875. Pas à Las Vegas. Le sait-il au moins? Probablement, mais ces histoires de sport national, c’est tellement dépassé, n’est-ce pas? Aujourd’hui, il faut tout d’abord s’assurer que le hockey rapporte gros aux investisseurs et aux joueurs. Des millions et des millions à coup de bière à 12$.»

Difficile d’être en désaccord avec elle, surtout sur le fait suivant: le sport professionnel est devenu, depuis longtemps d’ailleurs, principalement, voire essentiellement, une affaire de gros fric. Vrai pour la LNH, tout comme ce l’est, et souvent davantage, pour la MLB, NFL et NBA.

Du coup, si le mandat du commissaire est effectivement d’assurer une croissance constante des revenus, plutôt ardu de balancer quelconque insulte à Gary. Bêteman? Pense pas, non. L’inverse, même. Surtout lorsqu’on sait que ceux-ci, maintenant partagées à parts égales entre joueurs et propriétaires, ont littéralement explosé depuis 2005. Du 120% d’augmentation, environ. Beat this.

L’expansion américaine, pilotée par le commissaire, a fini par livrer ses fruits. À l’exception de seulement trois clubs (Arizona: 78,4%, Floride: 74,2% et Caroline: 63,5%), tous les autres affichent des assistances supérieures à 80%, certains y allant même d’un 100% et plus, incluant la néo-franchise de Las Vegas, pour laquelle plusieurs prévoyaient un désastre aux guichets (102,7%).

D’ailleurs, et nonobstant le désastre d’Atlanta, toutes les autres concessions accordées ou transférées depuis Bettman se tirent bien, ou parfaitement bien, d’affaires: San Jose, Dallas, Tampa Bay, Anaheim, Colombus et Nashville. Rappelons aussi, et pour seul exemple, les 100 000 fans de ces mêmes Predators entassés sur la rue afin de visionner, sur écran géant, un match de la finale.100 000. Dans la rue. Du jamais vu. Ni au Canada, ni dans les marchés traditionnels américains.

Ce seul succès, en filigrane, édulcore corolairement l’intérêt pour une nouvelle expansion canadienne. D’autres facteurs s’ajoutent d’ailleurs afin de rendre improbable, voire impossible, le retour des Nordiques à moyen terme:

1.La valeur du dollar canadien
Les dollars canadien et américain à parité ou presque? Excessivement rare. Et quand le huard chute de manière vertigineuse, le club canadien en souffre solidement, celui-ci payant ses joueurs avec la monnaie de l’Oncle Sam. Parlez-en aussi à Québecor qui, au moment de sa soumission pour l’obtention d’une franchise avait vu la devise dégringoler sous la barrière psychologique des 0.70 cents. Sur 500M$, ça frappe, mettons.

2. Le marché de Québec
On tend à l’oublier, mais Québec est petit, voire quasi-microscopique. Environ 800 000 personne, et ce, pour l’ensemble des environs. À titre comparatif, le Grand Seattle offre un marché de 3,5 millions d’habitants.

3. L’importance (de plus en plus) relative de la vente des billets
Indubitable que Québec constitue, culturellement parlant, une mecque du hockey. Que le Centre Vidéotron serait assurément plein soir après soir, peu importe les performances de l’équipe (pensez aux années de misères, fin 1980 début 1990). Reste toutefois que la business de la LNH en est une qui, à l’instar des autres ligues, fonde de moins en moins ses profits sur la vente de billets, et bien davantage sur les droits de télédiffusion et, subsidiairement, sur les loges corporatives. Or, si vous êtes NBC, préférez-vous le marché de Seattle, 15ème en importance aux USA, ou celui de Québec?* Quid pour les loges, sachant que Québec possède moins de sièges sociaux que… Winnipeg?

4. Le prix d’une équipe d’expansion
Afin de joindre les rangs de la ligue, Seattle devra, le cas échéant, débourser la coquette somme de 650M$US. Avec le taux de change actuel, ceci représenterait, pour Québecor, quelque chose comme 800M$CAN. Du gros fric. Surtout compte tenu de l’ampleur du marché discuté, lequel rendrait difficilement rentable l’investissement, et forcerait potentiellement les néo-Nordiques à être tributaires du programme de redistribution des richesses de la ligue, ce que souhaite sûrement éviter celle-ci.

5. L’improbabilité d’un transfert
Resterait donc un transfert potentiel. Vu la volonté avouée de la LNH d’avoir deux conférences équilibrées en terme de nombre d’équipes, le transfert devrait donc impliquer une équipe de l’Est. Panthers? Viennent de signer un nouveau bail de longue durée. Hurricanes? Viennent tout juste d’être achetés, avec l’engagement, prévu par la convention, de demeurer sur place au moins sept ans. Islanders? Veulent effectivement quitter leur aréna style NBA. Mais Bettman et les diffuseurs se priveront-ils d’une partie du marché New-Yorkais? Pense pas.

6. Le rôle de Molson et Bell
Au-delà des belles paroles prononcées en faveur de Québec, il faudrait être bien naïf afin de croire à un appui, sincère et honnête, de Molson. Quel avantage, au fait, pour lui? Diviser une partie de ses revenus en termes de loges corporatives, de droits de télédiffusion locale, de gugusses promotionnels? La rivalité? Mais pourquoi donc? Se faire comparer à la journée longue, se faire noter que le CH possède moins de joueurs québécois que les Nordiques et blablablibloblu? Faudrait être maso. Surtout quand tu contrôles, voire siphonnes, l’ensemble du marché. Rappelons aussi les fréquents litiges entre Québecor et Bell, commanditaire principal: disputes devant le CRTC et celle quant à la Place Bell, entre autres. Pourquoi, ainsi donc, Bell ferait-il une fleur à son plus proche rival en lui permettant de venir jouer dans ses plates-bandes? Ceci étant, surpris d’apprendre que Molson, membre de l’influent exécutif de la ligue, a voté… contre la candidature de Québec? Surpris que ce soit ce même bureau exécutif ait écarté, manu militari, la capitale du prochain processus d’expansion? Faudrait pas.

***

Morale de l’histoire? En ayant incité Québec à se doter d’un nouvel aréna, Bettman, comme tout bon commissaire, a simplement optimisé le nombre d’options s’offrant à lui. Plus facile, maintenant, de faire chanter les autorités politiques de certains marchés en les menaçant, de manière à peine voilée, du déménagement potentiel de leur franchise à Québec. Un vulgaire outil de marchandage, quoi. Aux frais de nôtre princesse. Plate, mais classique. On le saura, espérons-le, pour la prochaine fois. Les Expos, par exemple.

F_berard@twitter.com

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