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Le jury raciste, ou l’affaire Boushie

Photo: La Presse Canadienne

Un brin «confusant», je sais. Alors que j’ai tiré des roches au gouvernement Trudeau pour ses déclarations à la suite du procès Boushie, le titre de la présente chronique a de quoi surprendre. Sauf qu’ici, comme souvent d’ailleurs, une pincée de nuance ne ferait pas de tort.

D’emblée, on décerne un carton rouge à l’exécutif pour s’être immiscé, sans invitation d’ailleurs, dans le processus judiciaire. Le premier ministre et sa ministre de la Justice avaient, en chœur, déclaré à la suite de l’acquittement de Gerald Stanley : «Nous pouvons faire mieux.» Difficile d’y voir autre chose qu’une intrusion fort mal avisée. On laisse ainsi entendre, et pas très subtilement, que Stanley était nécessairement coupable, peu importe le traitement imposé par le processus judiciaire. De quoi avoir mal à son État de droit. Pire encore, il est ardu de ne pas constater, dans les propos du cabinet, une flèche décochée subrepticement en direction du jury, l’absence de juré d’origine autochtone étant possiblement la cause de la décision.

Ceci, sans surprise, allait inévitablement galvaniser les griefs de nombreux regroupements autochtones, lesquels, encouragés par le premier ministre et par sa ministre de la Justice, crient maintenant haut et fort au racisme pur.

Au cœur de tout ceci se trouve le nœud du problème: Stanley a-t-il oui ou non profité de préjugés ou d’antipathies raciales à l’endroit des Autochtones? Impossible de le savoir. Pourquoi? De un, les délibérations du jury sont confidentielles. Même le juge ne peut pas prétendre savoir. De deux, il serait quand même étonnant que, sur 12 jurés, une majorité soit fondamentalement raciste. Parce que, de trois, même s’ils l’étaient, il reste qu’ils doivent tout de même suivre les instructions du juge quant au droit applicable, notamment en ce qui a trait à l’évaluation de la preuve balistique. En d’autres termes, les valeurs personnelles ne peuvent pas outrepasser aussi facilement un processus fondé sur une norme d’habitude non arbitraire. Pensez-vous, pour seul exemple, que les jurés de l’affaire Turcotte avaient une quelconque sympathie pour les assassins d’enfants? Voilà. Bref, les accusations de racisme balancées en l’espèce afin d’expliquer le verdict semblent sinon trop faciles, du moins dénuées de bases factuelles.

La nuance dans la nuance, maintenant. Même si tout ce qui précède est juste, un malaise certain demeure, ostensible et fondamental : comment se fait-il qu’aucun Autochtone n’ait siégé parmi ledit jury? La sélection de celui-ci se faisant de plein accord entre la défense et la Couronne, on peut penser que cette dernière a visiblement merdé.

Est-ce à dire que le verdict aurait été différent? Aucunement. Toutefois, pendant ma chronique à l’émission Plus on est de fous, plus on lit, lundi, Marie-Louise Arsenault m’a lancé ceci : accepterait-on, lors d’un procès pour viol commis à l’encontre d’une femme, que les 12 jurés soient… des hommes?

Tout est là. Parce qu’au-delà de la justice existe l’apparence de justice. Pas plus compliqué que ça.

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