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Le paradoxe Jérôme Blanchet-Gravel

Attablé tranquillos à L’Amère à boire, Jérôme Blanchet-Gravel est apostrophé par un serveur de l’établissement. Ce dernier lui lance, sur un ton apparemment péremptoire: «Finis ta bière et sors d’ici. Tu n’es pas le bienvenu dans notre bar et tu n’es pas le bienvenu à Montréal.» La faute alléguée? «On n’aime pas tes opinions.» Eh ben.

De un, avouons que ledit serveur, se sentant autorisé de parler au nom de l’ensemble des Montréalais, ne se prend manifestement pas pour un 7 Up flat.

De deux, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire débile? Évincer quelqu’un de son établissement pour divergence d’opinion? À ce compte, à quand le retour de la «loi du cadenas» de Duplessis, qui avait pour objet de fermer les édifices où étaient tenus certains discours jugés subversifs?

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Je confesse avoir entendu parler de Blanchet-Gravel lors du débat, épique, sur le projet de charte des valeurs québécoises. Alors que j’étais un des quatre rédacteurs du Manifeste pour un Québec inclusif, le pestiféré de L’Amère à boire se trouvait, sans surprise, de l’autre côté de la tranchée.

J’ignorais alors, cela dit, le détail de ses écrits. Mais lundi, après une discussion en classe sur ce sujet, un étudiant, Nicolas Toutant, m’a indiqué avoir fait une recherche sur les propos tenus par Blanchet-Gravel. En voici l’essence: «Progressivement, le mouvement féministe québécois, représenté par la FFQ [Fédération des femmes du Québec], est infiltré par des groupuscules islamistes.»

«La gauche québécoise n’échappe pas à l’influence de ce fantasme: c’est pourquoi, malgré l’ostentation de ses idéaux “progressistes”, elle n’hésite jamais à encourager l’islamisation du Canada français.»

«D’abord, il faut réaliser que la passion antiraciste carbure au fantasme, dans la mesure où elle prétend combattre un phénomène qui n’existait pratiquement plus dans les pays occidentaux […]. Le multiculturalisme est un fétichisme racial exprimant le désir d’en finir avec l’homme blanc.»

«Du “racisme systémique” à la “culture” du viol en passant par le déboulonnage de statues, la gauche régressive a témoigné de son attitude vindicative et moralisatrice, elle a montré à quel point elle était prête à reformater l’Occident. Les multiculturalistes, néo-féministes et autres nouveaux “progressistes” semblent plus motivés que jamais à détruire les fondements et les principes des démocraties libérales.»

Juste ça.

Ça résume tout ce que je déteste, à titre perso, comme idéologie. Et visiblement, cette détestation est bien réciproque. Mais une fois qu’on a dit ça, on fait quoi? On scinde les bars montréalais en deux? Les multiculturo-islamo-gauchistes-fétichistes-anti-homme-blanc d’un bord et les fachos-identitaires-pro-Le Pen-phobes-o-phobes de l’autre? Ouais. Comme idéal démocratique, on repassera.

Dernière affaire: à la suite de cet incident, Blanchet-Gravel a décidé de porter plainte auprès de la Commission des droits de la personne. Il fait bien. Parce qu’il s’agit d’un abject précédent et que les opinions politiques sont protégées par la Charte québécoise des droits et libertés. Cette même charte est défendue et vantée par les tenants de l’égalité hommes-femmes, les multiculturalistes et… les minorités religieuses. Le fondement même, ô ironie, de l’idéologie des droits tant décriée par le nouveau plaignant.

Comme quoi les libertés civiles ne relèvent pas, nous en déplaise, du simple buffet chinois. Sous réserve de pouvoir être, évidemment, à moitié enceinte…

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