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L’interaction négative de Justin Trudeau

Prime Minister Justin Trudeau delivers remarks at a Liberal Party fundraising event in Brampton, Ontario on Thursday July 5, 2018. THE CANADIAN PRESS/Chris Young Photo: Chris Young/La Presse canadienne

Sujet délicat s’il en est un. D’entrée de jeu, je l’aime bien, moi, Justin. Pas tant le politicien, mais l’homme derrière. Pour bien le connaître (le tout sera raconté dans une autre vie), on parle ici d’un sacré bon gars. Des défauts, certes, mais de belles valeurs. Et même si on peut critiquer le premier ministre, difficile de lui reprocher une approche essentiellement humaniste. Si, au-delà des actions concrètes, un chef de gouvernement se doit d’incarner un corpus de valeurs souhaitées et souhaitables, Justin est l’homme désigné.

Cela étant dit, nul doute que la crise l’affligeant actuellement présente son lot d’ironies. Féministe 2.0, Trudeau se trouve au cœur d’allégations sinon inquiétantes, du moins agaçantes: au début des années 2000, en Colombie-Britannique, un jeune Justin l’aurait, selon la victime, pelotée sans consentement. L’histoire, publiée alors dans un journal du coin, est aujourd’hui réitérée par la dame en question, dont le nom est maintenant connu. Trudeau lui aurait d’ailleurs présenté des excuses, précisant d’ailleurs que «si j’avais su que tu étais une journaliste pour un quotidien national [ce qui est apparemment vrai], je n’aurais pas agi de la sorte».

Confronté aujourd’hui à l’affaire, le premier ministre s’est livré à un majestueux slalom termino-syntaxique: «Je n’ai pas le sentiment d’avoir agi le moins du monde de façon inappropriée, mais je respecte le fait que quelqu’un d’autre ait pu vivre ça différemment.»

Ou encore: «La leçon que nous devons tirer en cette ère de prise de conscience collective est de respecter et de comprendre le fait que les gens, et dans bien des cas les femmes, ne vivent pas les interactions dans un contexte professionnel ou dans un autre contexte de la même manière que les hommes.»

Enfin: «Je n’ai pas de souvenir de la moindre interaction négative lors de cette journée.»

Plusieurs choses.

D’abord, si Trudeau a présenté ses excuses, c’est qu’il s’est clairement passé un truc, non?

Deuxièmement, quelle pertinence peut bien avoir le fait que la dame ait été une reporter nationale? La chose aurait-elle été plus acceptable s’il s’était agi d’une conductrice de camions lourds? N’importe quoi…

Troisièmement, peut-on sérieusement, comme féministe, plaider que les hommes et les femmes puissent percevoir différemment un geste donné? Comment le fait de peloter sans consentement autrui peut-il mener à des interprétations distinctes?

Quatrièmement, mais qu’est-ce que cette manie d’inventer de nouveaux termes afin de se sortir du pétrin? Interaction négative? Hein? Re-n’importe quoi.

Enfin, et surtout: toute cette histoire met en relief la nécessité de #Metoo, évidemment. Un mouvement noble, utile et légitime, surtout compte tenu des carences du système à s’adapter à la nature même des crimes sexuels. Cela dit, par contre, il semble fort périlleux de condamner spontanément et sans appel, devant le tribunal de l’opinion populaire, quiconque fait face à des allégations de ce type. Méfions-nous de toute société condamnant la présomption d’innocence à la peine de mort. Ironiquement, telle fut la posture de Trudeau face à des allégations anonymes formulées à l’endroit de quelques-uns de ses députés, suspendus et ensuite expulsés du PLC, sans le moindre procès.

Un poids, deux mesures?

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