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La faute de l’immigrant

Getty Images Photo: Getty Images

La présente campagne électorale était, disons-le franchement, plate à mourir. Une campagne où le bien commun était essentiellement défini par le service à la population. Un nouveau paradigme souhaitant que l’homme ou la femme d’État devienne, en quelque sorte, une espèce de maître d’hôtel facilitant «la vie des gens». T’es écœuré de faire le lunch du morveux? T’inquiète, mon gouvernement s’en occupe. T’as perdu la carte d’assurance-maladie du morveux? Pas de trouble, mon gouvernement t’en donnera une deuxième! T’en as plein le casse de faire le backwash de ta piscine hors terre? C’est beau, mon gouvernement [OK, j’arrête].

En fait, la campagne est devenue soudainement intéressante lorsque certains ont découvert le programme environnemental, ou plutôt l’absence complète de programme environnemental de la CAQ. Là, on a commencé à rigoler. Pas un traître mot sur l’environnement en… 2018, sérieux? Devenue la cible de tirs nourris (y’a de quoi), la formation se devait de changer de sujet, et vite.

Solution? Le classique: une bonne discussion sur les immigrants. INDÉMODABLE. Après tout, et comme un sondage récent du Devoir l’indique, la population a davantage peur de ces derniers que du réchauffement climatique…

Le truc habituel: des immigrants, y en a trop, bon, de clamer implicitement (ou pas) le chef caquiste. Donc, on en veut moins. 40 000, c’est ben en masse. Une baisse d’environ 20% du seuil actuel, pour toutes les catégories applicables, et ce, dès 2019.

Premier problème: le nombre d’immigrants pour l’an prochain est déjà fixé et convenu avec Ottawa…

Deuxièmement, le chef caquiste semble également oublier, comme le rappelait mon collègue et ami Stéphane Handfield, spécialiste en la matière, que la catégorie du regroupement familial et celle afférente aux réfugiés sont de compétence… fédérale. Legault a beau prétendre qu’il parviendra à une entente avec Ottawa, vous imaginez Trudeau embarquer dans un truc du genre, sérieux?

Dernier point, et non le moindre: un test des valeurs et un test de français. En cas d’échec à l’un de ceux-ci, l’immigrant serait expulsé de la province, voire du pays. Édifiant. Surtout lorsqu’on se souvient que le chef caquiste serait incapable, de son propre aveu, d’en identifier plus d’une (valeur). En fait, à part l’égalité homme-femme, déjà tapissée mur-à-mur dans les chartes québécoise et canadienne, silence radio. Cela en dit-il assez long à votre goût sur le caractère arbitraire de l’affaire? Quoi de plus subjectif qu’une valeur, au fait? Ai-je les mêmes que François Legault? Pense pas, non. Et le test de français, lui? Sympathique, ça aussi. Surtout lorsqu’on sait qu’environ 50% des Québécois sont qualifiés d’analphabètes fonctionnels. Enfin, sur la question de l’expulsion, seul Ottawa, encore une fois, détient la compétence à cet égard. Justin acceptera-t-il de jouer le rôle du bourreau au service de Legault? Come on. Résultat? Ces mêmes personnes qui auront échoué aux tests en question deviendront des sans-statut, sans-papiers, incapables de travailler ou d’étudier légalement. Brillant…

Morale de l’histoire? Manger de l’immigrant, ça paie, électoralement parlant. Mais arrive un moment où, comme société, il serait de bon aloi de refuser une démagogie aussi délétère que destructrice. Pour notre quotient intellectuel collectif, entre autres.

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