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QS et le refus de l’État de droit

Gabriel Nadeau-Dubois Photo: Jacques Boissinot/La Presse canadienne

Vu le contexte actuel, soit celui où tout le monde semble taper sur la tête de Québec solidaire, me sens presque mal d’écrire cette chronique. Parce que la stratégie de Jean-François Lisée fait mouche. Au point où une Manon Massé, manifestement dépassée par les événements, vient de qualifier, au micro de la CBC, sa formation de marxiste. Hipelaye. Imaginez un instant la gueule des gauchistes de salon, voire d’occasion, tel Vincent Marissal (qui n’a probablement jamais lu Le capital ni même Chomsky), apprenant leurs nouvelles affiliations idéologiques. Comique, quand même.

D’abord, cela risque de faire voter ailleurs les progressistes de gauche ou de centre gauche. Ensuite, cela crée un clivage non souhaitable avec la tranche névralgique des jeunes de 18-35 ans, dont 81% se dit non souverainiste. Énorme.

Non, le truc qui déçoit le plus relève des violations proposées de l’État de droit. Du respect, en d’autres termes, des pierres d’assises sur lesquelles repose notre démocratie. Des règles du jeu, en bref. Nombreux, les exemples laissent croire à l’absence d’une simple anecdote.

Primo, l’appui de QS à Bouchard-Taylor, un truc aux trois quarts inconstitutionnel, tel que déjà expliqué ici: (a) le législatif ne peut déterminer l’accoutrement vestimentaire des juges; b) les pénitenciers et policiers fédéraux sont de… compétence fédérale; c) la violation manifeste de la liberté de religion. À noter qu’il sera d’ailleurs impossible d’invoquer la disposition dérogatoire pour a) et b). Bref, de l’imposture au faux nom de «consensus social».

Ensuite, la déclaration de Gabriel Nadeau-Dubois en réponse à un reportage de Métro sur la question du port des signes religieux: le co-porte-parole explique que son parti n’hésitera pas à adopter la disposition de dérogation, donc à suspendre les droits et libertés prévus, et ce, si la Cour suprême invalide la loi qui doit éventuellement être adoptée.

Troisièmement, une perle en réaction à sa proposition d’assurer le réseautage internet au Québec, particulièrement en région: «En tant que parti indépendantiste, nous n’entendons pas laisser le CRTC nous mettre des bâtons dans les roues pour améliorer l’accès à l’internet au Québec.» Se ficher d’un pouvoir quasi judiciaire et ultimement des tribunaux assurant sa loi habilitante? Eh ben.

La meilleure, maintenant, issue du programme modifié depuis la fusion avec Option nationale: «Le fédéralisme canadien est irréformable sur le fond. Il est impossible pour le Québec d’y obtenir l’ensemble des pouvoirs auxquels il aspire, sans même parler de ceux qui seraient nécessaires aux changements profonds proposés par Québec solidaire. […] En ce sens, un gouvernement de Québec solidaire appliquera les mesures prévues à son programme, qu’elles soient compatibles ou non avec le cadre constitutionnel canadien.»

Épatant, non? Textuellement la posture de Mathieu Bock-Côté, étonnamment. Faut-il rappeler à QS que si sa position sur l’indépendance est parfaitement légitime, tel se veut aussi le cas du fédéralisme canadien? Le détester? Très bien. Mais saper les fondements mêmes de l’État de droit au nom de cette détestation? Aussi irresponsable que populiste. Particulièrement lorsqu’on sait que plus des deux tiers du «peuple», terme cher aux solidaires, refuse dorénavant l’option souverainiste…

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