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Le calme d’Amsterdam

Row of Bicycles parked next to Amsterdam City Center (Centrum). Visible are typical Church and Dutch Houses in the background. Amsterdam, The Netherlands. Photo: Getty Images/iStockphoto

D’aussi loin que je me souvienne, toute discussion portant autour d’Amsterdam avait une résonance d’hédonisme, de débauche. Et pour cause. Décriminalisation de la prostitution et légalisation du cannabis ne peuvent, en un sens, que référer à une décadence semi-institutionnalisée. Ville d’une éminence trash assumée.

Or, quelques minutes dans la capitale des Pays-Bas suffisent afin de saisir l’ampleur du préjugé. Calme, écologie et zénitude semblent, au contraire, supplanter les effluves à la sauce Bacchus. Les vélos s’agglutinent les uns aux autres. Un genre de Tour de France en pleine ville. Idem pour l’amoncellement de chars électriques, où reine Tesla supplante l’ensemble de ses compétitrices. Des VUS? Faut les chercher longtemps. Et encore.

Métropole sans bruit, sans odeur, sans mouvement. Un transport en commun des plus efficaces. Tramways partout. Minirivières aux ponts pittoresques les chevauchant. Architecture majestueuse.

Sans Red Light District, il serait permis de croire à une communauté paisible de retraités ou d’étudiants inutilement disciplinés. Mais le quartier se veut fidèle à sa réputation et brasse quelque peu les cartes de la ville sereine. Rien, cela dit, afin de justifier les épithètes lui étant d’ordinaire accolées.

Qu’est-ce qui provoque ce calme olympien, peut-on se demander? Essentiellement le rapport au travail. Les Néerlandais sont, selon les statistiques disponibles, les Européens travaillant le moins, et ils bénéficient d’avantages sociaux à faire baver. Une trentaine d’heures par semaine en moyenne. Droit de se qualifier à temps partiel uniquement. De cumuler les heures durant les quatre premiers jours de la semaine et d’obtenir son vendredi de congé. D’amener ses enfants au travail un après-midi par semaine. Quatre semaines de congé pour tous, minimum auquel l’employeur ajoute fréquemment une semaine ou deux. Bref, du temps pour les loisirs, la famille, le sport, la vie.

L’écologie, maintenant, raison d’ailleurs de notre séjour ici. Paradoxe s’il en est. Parce que si les vélos, éoliennes, le transport en commun et les chars électriques sont hissés au rang de dieux verts, les Pays-Bas sont aussi, ironiquement, un des plus grands émetteurs de GES de l’Europe. Siège social des Shell de ce monde. Au point où il est convenu que le gouvernement ratera, selon toute vraisemblance, les cibles fixées par l’Accord de Paris.

Cela devait d’ailleurs provoquer une contestation judiciaire des plus iconoclastes: poursuite en bonne et due forme envers ce même gouvernement néerlandais, au motif que sa nonchalance en matière environnementale se doit d’être contrôlée et sanctionnée par les tribunaux. Première victoire en première instance sur la base de la faute civile pure. Victoire confirmée, avec un éclat certain, par la Cour d’appel, cette fois sur la base unique de… la violation de la vie privée. Hein? Oui. Selon la cour, les changements climatiques auront assurément pour conséquence de diviser les familles et de chambouler toute forme de vie privée, droit prévu à la Convention européenne des droits de l’homme, applicable aux Pays-Bas.

Bien que la décision soit actuellement portée en appel par le gouvernement, elle brasse sérieusement les cartes, change les paradigmes. Si, en effet, un tribunal conclut à un tel impact des changements climatiques sur la vie des gens, le reste n’est que détail. Révolution des politiques gouverne­mentales à venir.

Et bougera, enfin, le petit pays tranquille.

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