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Le trou dans le fond de la chaloupe

Chaque jour d’actualité a le potentiel de nous rappeler la fragilité d’une vie politique, de nous remettre sous le nez l’axiome voulant que tout cela ne tient qu’à un fil. À preuve, la crise SNC-Lavalin.   

Alors que le gouvernement Trudeau semblait «semi-teflon» aux scandales (l’affaire Bill Morneau, les Paradise Papers, «l’interaction négative» passée du premier ministre en matière sexuelle), le présent litige l’opposant à l’ancienne ministre de la Justice, Wilson-Raybould, pourrait bien lui être fatal. Déjà, un sondage témoigne de l’avance conservatrice. Trop tôt pour conclure? Certes. Reste que l’affaire a de quoi nous achaler. Pire encore: on assiste probablement, actuellement, à l’aurore de celle-ci. Voir la bave couler autour des lèvres de l’opposition et du média devrait suffire à s’en convaincre. Idem pour la motion adoptée visant à déclencher une commission d’enquête là-dessus.

Au-delà du politique, cela dit, la présente histoire revêt également son lot d’intérêt en matière juridique. En une coquille de noix, comme disent les Anglos, elle s’explique ainsi: d’abord, tout ministre de la Justice (et conséquemment procureur général) siège, par définition, au Conseil des ministres, là où les orientations gouvernementales se déterminent d’ordinaire (sous réserve évidemment du veto ou du leadership du bureau du premier ministre). Cela dit, certains dossiers afférents à ce ministre présentent un caractère délicat: celui des accusations à être déposées, ou non, incluant celles à l’encontre des amis du pouvoir ou du pouvoir lui-même. Cet aspect du job, qui tombe sous le volet ou chapeau «procureur général», doit donc, par définition, être protégé de toute interférence interne et externe, incluant celle du premier ministre et de ses proches.

Au-delà du politique, cela dit, la présente histoire revêt également son lot d’intérêt en matière juridique.

Cela, selon le principe Shawcross (du nom du Britannique ayant introduit le concept), n’empêche pas ce même ministre et procureur général de consulter ses collègues, mais l’assure simultanément d’une indépendance complète.

Question de dosage, en bref. Qu’est-ce qu’une pression indue? Selon le Globe and Mail, le bureau du premier ministre aurait clairement fait connaître sa préférence à Mme Wilson-Raybould: parvenir à une entente avec SNC-Lavalin, comme le permettrait depuis peu un amendement du Code criminel apporté (tiens, tiens!) par les… libéraux. Et pourquoi? Parce que la survie de l’entreprise en dépendrait, une condamnation judiciaire ayant pour effet de rayer l’entreprise de la liste de celles pouvant bénéficier de contrats gouvernementaux, le tout pour une durée de 10 ans à Ottawa et de 5 ans à Québec.

L’ironie de l’affaire? Ce genre d’entente ne peut se fonder sur des «considérations d’intérêt économique national». Oups. Ça explique d’ailleurs peut-être pourquoi la direction des affaires pénales et criminelles, soit les juristes fonctionnaires travaillant pour la procureure générale, a découragé cette dernière de procéder à une entente à l’amiable.

Autre truc curieux: la cinquantaine de rencontres tenues entre les représentants de SNC et le bureau du premier ministre Trudeau. CIN-QUAN-TAI-NE. Aussi simple qu’une visite chez Couche-Tard…

Enfin, le départ de Gerald Butts, conseiller principal de Trudeau, celui-là même qui aurait exercé les pressions sur Mme Wilson-Raybould, selon certaines allégations.

Ajoutons à cela les accusations de racisme anti-autochtone portées contre le gouvernement par divers leaders de la communauté, incluant le père… de l’ex-ministre. Et coule la chaloupe.

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