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Culture d’espoir

Frédéric Bérard

Loin d’être un secret pour quiconque a l’habitude de lire ces lignes, le pessimisme qui m’habite actuellement au sujet de l’avenir de nos sociétés, voire de l’humanité, pèse lourd. Très lourd.

À ma surprise, vous avez été d’ailleurs plusieurs à m’écrire gentiment en privé afin de m’offrir votre réconfort, ou encore des remèdes-solutions, en matière d’éco-anxiété, et je vous en remercie fort.

Cette empathie, phénomène que je croyais à la dérive, m’a conséquemment amené à m’auto-diagnostiquer, si une telle chose avait une quelconque valeur probante.

Or, après réflexion, j’ai compris ceci: ce n’est pas tant la fin de l’Humanité qui m’embête, celle-ci présentant même quelques avantages, notamment en termes de survie potentielle d’autres espèces.

Non, en fait, ce qui me les casse est plutôt la bêtise ambiante assurant l’indubitable naufrage annoncé.

Le climato-scepticisme comme néo-mantra.

Les attaques sauvages, méchantes et abjectes contre une ado ayant pourtant entraîné des millions de jeunes de sa génération dans son sillage, le tout afin de… tenter de sauver les meubles.

Un Darth Vader des temps modernes, officiant à temps plein comme président du Brésil, qui encourage, preuves à l’appui, la flambée du plus important «poumon» de la planète, cela dans une indifférence quasi complète.

Parce que, hey!, ce qui importe, c’est le calcul de l’empreinte écologique du voyage en voilier de Greta, histoire de lui plaquer en pleine face son hypocrisie alléguée.

Voilà, en bref, ce qui me tue, déprime et attriste. Que la catastrophe soit imminente est une chose; se balancer en épais dans la fournaise et refermer la porte ensuite en est une autre.

«Que la catastrophe soit imminente est une chose; se balancer en épais dans la fournaise et refermer la porte ensuite en est une autre.»

Vous me direz, comme le plaidait Camus dans La peste, que «la bêtise insiste toujours». Vrai. Sauf que cette fois sera, selon toute vraisemblance, la dernière…

Pourquoi je vous raconte tout ça? Parce qu’on vient de m’insuffler, pratiquement à mon corps défendant, une large dose d’espoir. Truc aussi surprenant qu’improbable. J’arrive tout juste, en fait, du plus grand festival de théâtre en Amérique: 23 troupes, 15 pays, 5 continents.

Où ça?

Pas à New York, non. Ni à Chicago. Ni à Caracas. Ni à Mexico. Ni à San Francisco. Ni à Toronto. Plutôt à… Mont-Laurier. Minuscule ville natale. Mon patelin, encore et toujours. Là où, pendant six jours à temps plein, se côtoient notamment des Italiens, Philipins, Allemands, Marocains, Belges, Polonais, Algériens, Dominicains, Mexicains, Colombiens, Égyptiens et Québécois d’ici et là.

Là où, l’espace d’une représentation ou d’une autre, s’exerce une communion d’esprit rarement vue ailleurs. Là où l’humain se parle, dialogue et se comprend, et ce, malgré l’obstacle de la langue. Là où des Allemands jouent une pièce de Jean-Paul Sartre dénonçant le nazisme, agrémenté de quelques morceaux de Leonard Cohen. Là où des Polonais y vont d’une pièce muette faisant état des enjeux afférents à l’itinérance, terminant celle-ci en s’enrobant dans les bras de quelques membres du public. Là où des Bangladais font de même sur la misogynie, des Philipins sur la maladie mentale, des Italiens sur le réchauffement climatique.

Un lieu de rencontre des nations, abritées sous un chapiteau bondé, dansant sur divers rythmes du monde, les Trois Accords côtoyant Aznavour, Stromae et combien d’autres.

Une semaine ou presque empreinte de souffle humaniste. Un antidote au populisme, à la xénophobie et au racisme.

Le théâtre comme rempart aux dérives fascisantes, à l’individualisme, au repli malsain. Une main tendue vers la paix et autres paradigmes du bonheur terrestre.

Le plaisir des différences.

L’union dans la diversité. La beauté de la race humaine à son paroxysme.

Mont-Laurier et culture à titre de vecteurs d’espoir, et concepteurs d’un fabuleux livre de recettes. À suivre.

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