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Colombie Rock and Roll

Frédéric Bérard

–La Colombie? Sérieux, t’as pas peur? Paraît que ça brasse encore pas mal, là-bas.

Voilà le propos classique, entendu des dizaines de fois dès que mon séjour au pays terrible s’est confirmé.

Parce qu’il est vrai, avouons-le, que le comportement délinquant de ce pays d’Amérique du Sud attire l’attention, voire la fascination, depuis sacrée lurette.

Un imaginaire notamment marqué par les histoires ébouriffantes d’un certain Pablo Escobar. Des récits, plus récents ceux-là, entourant les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), une guérilla dite communiste qui n’entend pas trop à rire.

Des laissés-pour-compte se réfugiant, par milliers, vers le Venezuela, pays voisin. Bref, pas trop reposant comme rock and roll.

À l’arrivée dans la magnifique Carthagène, joliment entourée de murs fortifiés, les inégalités nous sautent au visage. Quand je m’attable au premier resto du coin, il ne se passe pas cinq minutes sans qu’un quidam débarque afin d’essayer de me vendre un cossin.

D’autres, aux allures louches, offrent peu discrètement une dope quelconque, habituellement de la cocaïne, dont le pays demeure un des plus importants producteurs. En début de soirée, la place centrale est inondée de travailleuses du sexe, elles aussi s’affichant sans gêne aucune, souvent au milieu d’enfants passant ici et là.

D’autres, aux allures louches, offrent peu discrètement une dope quelconque.

Après quelques questions, on me confirme l’impression: nombre de ces vendeurs et venderesses sont d’origine vénézuélienne. Les rôles étant maintenant inversés, ce sont dorénavant les ressortissants du pays limitrophe qui se réfugient ici, trop souvent sans le sou, le gouvernement de Maduro gelant d’ordinaire les liquidités des déserteurs.

Ceux-ci, bien qu’ayant fréquemment des liens familiaux ou amicaux dans leur Colombie d’accueil, n’ont d’autre choix que de passer en mode survie. Et de vendre ainsi cossins, dope ou corps humain. Un bref séjour à Bogota, ville d’un autre genre, mais aussi impressionnante (une visite au sommet s’impose), réitère le pattern.

S’ajoute à cela une crise socioéconomique qui n’est pas sans rappeler celle vécue actuellement par nombre de régimes de l’Amérique du Sud ou de l’Amérique centrale.

L’élection comme président du candidat d’une droite assez forte merci, Ivan Duke, en 2018, allait provoquer l’affaire: on critique le souhait de l’État d’amenuiser les garanties des salariés (notamment de reculer l’âge des retraites et de privatiser certains aspects de la gestion de celles-ci), de réduire les impôts des entreprises et de vendre quelques vaches à lait de l’État, notamment la compagnie électrique Centil et la pétrolière Ecopetrol.

Cela, à quoi s’ajoutent diverses mesures idéales pour faire sacrer les écolos du coin, aura suffi à planter le pays dans un état de semi-crise.

Assez, du moins, pour tenter de justifier l’envoi de l’armée dans les principales villes et d’imposer un couvre-feu (me demande ce qu’Escobar aurait pensé de celle-là: «Pablo, c’est l’heure du dodo, là…»).

Sans surprise, donc, un taux d’impopularité himalayen afflige maintenant monsieur le président, insatisfaction manifestement galvanisée par une enquête judiciaire pour corruption.

En plus du peuple, c’est au tour de la Cour constitutionnelle de se mettre en travers du chemin de Duke, lui interdisant de rouvrir l’accord de paix signé avec la guérilla des FARC, comme promis en campagne électorale.

Le grabuge afférent amènera toutefois d’anciens leaders de la guérilla à promettre de reprendre les armes incessamment.

En réplique, le président annonce une récompense de plus de 3 milliards de pesos (soit plus de 1,1 M$) pour chacun des guérilleros capturés.

Nouveau riff. Même mélodie.

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