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Réflexions autour d’un virus

Frédéric Bérard

L’humanité, bien entendu, en a vu d’autres. Idem pour les médias, qui se gargarisent – un peu leur job, d’ailleurs – de ce type d’événements.

Leur traitement oscille par conséquent entre l’intérêt public et l’intérêt du public ou, si on préfère, entre l’information et une nouvelle version du film À souère, on-fa-peur-au-monde.

Il est aussi de notoriété publique que d’autres trucs tuent plus impunément que le coronavirus. Mais reste que l’actuel ennemi numéro 1 mondial semble revêtir un caractère particulier: un continent en échec, un pays européen en état de siège, des événements majeurs annulés et des marchés boursiers sur le cul.

Annonce potentielle d’une démarche apocalyptique prochaine? D’aucuns, en tout cas moi, le croiraient.

Difficile, en effet, de ne pas réfléchir ici, même subrepticement, à la prochaine crise que l’humanité s’apprête à affronter, celle-ci permanente et possiblement fatale: la climatique.

Et courte parenthèse avant d’aller plus loin. Vous avez vu la précipitation avec laquelle une partie appréciable des populations accepte sans rechigner les recommandations de la communauté scientifique en l’espèce?

Lave tes mains, achète du papier de toilette (pas trop compris celle-là, mais passons), ne voyage plus, annule tes shows, pis reste chez vous.

Serais curieux de connaître le pourcentage de ceux-ci qui s’auto-proclament, paradoxalement, climato-sceptiques.

Un poids, deux mesures, non? Fin de la parenthèse. Alors oui, la présente épidémie, bientôt pandémie, a de quoi instruire sur le modus operandi risquant de s’appliquer prochainement.

D’abord, sur le plan économique et financier. Indubitable que les marchés, d’un naturel pissou, risquent de paniquer en premier.

Un sauve-qui-peut entraînant dans sa chute les économies afférentes, liées consubstantiellement à la game de poker qu’est celle des bourses et de leur vision au-plus-fort-et-au-plus-vite-la-poche.

Donc après, il y a quoi? Qui passera en premier à la moulinette de la roulette russe économique?

Parions que les (très) riches, aux actifs variés, s’en sortiront avec une certaine aisance, possiblement encore une fois avec les plans de sauvetage des amis-alliés au pouvoir. Les autres? Bah…

Serais curieux de connaître le pourcentage de ceux-ci qui s’auto-proclament, paradoxalement, climato-sceptiques.

Autre problème: s’il est vrai que la logique afférente au capitalisme est, par le siphonnage souvent immodéré des ressources disponibles, à la base de la crise climatique, il est par conséquent quelque peu ironique de vouloir maintenir en place le système qui, si la prémisse initiale est juste, nous aura balancés en bas du précipice.

La stupidité, disait Einstein, est d’agir de la même manière et de souhaiter un sort différent.

Réformer l’ensemble d’un système en pleine crise? Bonne chance. Surtout que les premiers bénéficiaires de l’ancien régime – l’élite – risquent d’être dans une belle position pour garder la couverture de leur côté du lit.

Dernière affaire: si le cataclysme est tel qu’annoncé, la course vers l’eau potable et les territoires dits sécuritaires s’amorcera de façon endiablée. Or, nul doute que les superpuissances étatiques passeront les premières à la caisse, alors que sur le plan perso, ici encore, les riches devraient profiter d’un avantage marqué. Parlons donc plutôt d’injustices climatiques.

Morale? Embrayer avant le point de bascule, histoire, comme nous dit Camus, d’éviter la répétition de celle-ci: «Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est toujours un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, et les humanistes en premier lieu, parce qu’ils n’ont pas pris leurs précautions. Nos concitoyens n’étaient pas plus coupables que d’autres, ils oubliaient d’être modestes, voilà tout, et ils pensaient que tout était possible pour eux, ce qui supposait que les fléaux étaient impossibles. Ils continuaient de faire des affaires, ils préparaient des voyages et ils avaient des opinions […] Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux.»

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