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À soir, on fait peur au monde : le retour

Frédéric Bérard

On est rendu à combien, côté films de ­Star ­Wars, ­savez-vous ? J’admets avoir perdu le fil. Un peu comme dans À soir, on fait peur au monde, dans le fond. Vous ne connaissez pas ? ­Attendez, que je retrouve le synopsis. Le voilà : (interminable) long métrage mettant en vedette une poignée d’acteurs pitoyables issus du milieu ­policito-médiatique, lesquels usent de sophismes, ­demi-vérités et autres stratégies afin de créer ou entretenir les craintes injustifiées d’une partie de la population québécoise à l’égard de concitoyens musulmans.

Forts de scénarios déplorables déjà éculés, ses concepteurs ont ­tour-à-tour porté à l’écran les opus suivants : ­Chérie, l’Islam a réduit les ­Québécois, ­La ­Maison hantée d’Hérouxville, ­Les vitres du ­YMCA (où il était pourtant question de juifs hassidiques, mais bon, un étrange, c’t’un étrange), ­Jeannette a peur à la piscine, ­Le grand malaise, ­Alexandre ­Cloutier est ami avec ­Charkaoui, ­Cachez ce ­AK-47 que je ne saurais voir, ­Fatwa à la cabane à sucre, ­Un burkini au ­Zoo de ­Granby, ­Faudra pas ­Charia, Y a des hidjabs partout, ça suffit !, ­Goutte de pétrole deviendra niqab, ­Petite promenade par le chemin de ­Roxanne, ­Test des valeurs : mange ton ragoût de pattes ou artourne che vous.

Si bien qu’après le martelage publicitaire, le public québécois, lequel n’avait jamais eu un problème quelconque avec la religion musulmane, se gratte maintenant la noix : ­sommes-nous réellement envahis comme on nous le dit à la tivi ? ­St-Roch-­de-l’Achigan ­va-t-il tomber aux mains d’­Al-Qaïda ? ­Des mosquées à ­Ferme-Neuve ? ­Ben ­Laden ­a-t-il été aperçu à ­Rivière-aux-Graines ? ­Au point où aujourd’hui, selon les études du professeur et sociologue ­Paul ­Eid, 32 % des ­Québécois refuseraient maintenant l’immigration musulmane. Du beau travail.

Merci à la pandémie, la production, malgré ses gargantuesques moyens, a dû mettre sur pause le tournage et la diffusion des moutures supplémentaires, faute de public captif. Ceci dit, l’approche d’élections fédérales prochaines rend évidemment alléchante la réalisation d’une suite. C’est ainsi qu’­Yves-François ­Blanchet, chef du ­Bloc québécois notamment passé à l’Histoire pour avoir toléré que quatre de ses candidats aux propos islamophobes se soient présentés sous sa bannière aux dernières élections, n’a pu s’empêcher de divulgâcher un brin de l’intrigue.

Immédiatement à la suite de la nomination du nouveau ministre des ­Transports du gouvernement libéral, ­Omar ­Alghabra, le chef bloquiste s’interroge sur la proximité de ce dernier, de confession musulmane, avec ce qu’il qualifie de « mouvement islamique politique ». Juste ça. La raison ? M. Alghabra a été, en 2004‑2005, président de la ­Fédération ­canado-arabe. Tu parles d’une maudite affaire, non ? ­Surtout que l’organisme, qui a des positions propalestiniennes (tu parles d’une maudite affaire, bis), se veut néanmoins laïque (oups). Ceci n’allait évidemment pas empêcher ­Blanchet d’utiliser à mauvais escient la (fausse) information d’un ­site-bouffon d’­extrême-droite américain suggérant que le ­néo-ministre aurait souhaité, à l’époque, l’imposition de la ­Charia au ­Canada. Rien de plus faux, de clamer ­Thomas ­Woodley, président de ­Canadiens pour la justice et la paix au ­Moyen-Orient qui, pour bien connaître M. Alghabra à cette époque, jure que ses positions n’ont rien à voir avec un quelconque islamisme politique. Hipelaye.

À mon tour de divulgâcher : avant de mettre sous presse, votre (pas très) humble serviteur a mis la main sur le titre du nouvel opus de la série. Il s’agirait d’un remake voltarien intitulé ­Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.

Bienvenue.

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