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La revanche des granos

J’ai réalisé à quel point ma propre mentalité avait changé quand, cette semaine, je suis allée à la crèmerie pour la première fois de l’année. Je rêvais de mon yogourt glacé mangue ananas framboise depuis trop longtemps, donc même s’il faisait gris et pas tellement chaud ce jour-là, j’ai décidé d’assouvir mon désir.

Après la première bouchée, j’ai ressenti un brin de culpabilité. Pas parce que j’étais en train de manger du dessert en guise de dîner (ça, je n’ai vraiment aucun problème avec ça) mais plutôt parce que j’étais en train d’utiliser une cuillère et un gobelet de plastique qui se retrouveraient aux ordures à peine cinq minutes plus tard… avec ceux de tous les autres clients qui, comme moi, essayaient de se faire croire que l’été était arrivé en mangeant une crème glacée.

J’ai jeté un coup d’œil sous le contenant : le chiffre 1 dans un triangle, yes, c’est recyclable! En finissant de manger, j’ai jeté la cuillère dans la poubelle de la crémerie – avec un petit pincement au cœur – puis j’ai rapporté le gobelet chez moi, je l’ai rincé et je l’ai déposé dans le bac de recyclage. Je me suis dit: c’est pas grand-chose, mais c’est déjà ça.

Je rirais dans ma barbe si j’étais une de ces personnes qu’on traitait il n’y a pas si longtemps de grano, d’écolo ou de Greenpeace qui porte pas de déo (un grand cru de ma mère, celui-là).

On s’est moqué d’eux parce qu’on les trouvait trop intenses, parce qu’on pensait qu’ils se compliquaient la vie pour rien et qu’ils exagéraient, mais ils ont maintenant leur revanche. On est tous en train de virer un peu grano.

Je suis loin d’être zéro déchet et je ne le serai probablement jamais, mais je développe tranquillement ma conscience environnementale et je fais de petits changements au quotidien. Je composte et je trie religieusement mes déchets (l’application gratuite Ça va où est d’ailleurs un redoutable outil pour ça). Je réutilise maintenant mes contenants de produits ménagers, comme le savon à lessive et à vaisselle, en les remplissant de produits que j’achète en vrac. J’utilise une coupe menstruelle au lieu des innombrables tampons et serviettes jetables que mon fabuleux corps de femme nécessite. Même si je n’ai pas effectué un virage écolo à 180 degrés, je considère que les efforts que je fais ont un impact.

Le contenant de plastique que j’aurais mis sans remords à la poubelle il y a un ou deux ans, si je le mets au recyclage aujourd’hui ou si j’évite carrément de l’utiliser une fois de temps en temps, je fais une différence.

« Ouin, c’est ben beau que t’achètes pu de bouteilles d’eau en plastique pis que t’aies signé le Pacte, mais tu magasines quand même chez Forever 21! »

C’est vrai. Je consomme encore du fast fashion et ce n’est clairement pas écoresponsable. Je n’ai pas non plus réussi à me passer, sur mes toasts le matin, de ma tranche de fromage Single qui vient dans une pellicule plastique qui se retrouve ensuite aux poubelles. Je roule encore avec une auto à essence et je fais rarement du covoiturage. Mais je déteste quand on souligne les incohérences du mode de vie d’une personne pour invalider ses efforts écologiques. Comme ces gens qui chialaient sur une députée parce qu’elle parlait de l’importance de l’environnement mais qu’elle conduisait apparemment un VUS…

Il y aura toujours des contradictions. On ne peut pas changer complètement notre mode de vie du jour au lendemain – en tout cas ceux qui réussissent à le faire, je leur lève mon chapeau – alors on vivra inévitablement dans une période de transition où oui, il y aura des contradictions, mais il y aura aussi des améliorations. Et c’est vraiment mieux que rien. Il fut un temps où on se moquait bien des granos qui portent pas de déo, mais aujourd’hui on s’en inspire, ne serait-ce qu’un petit peu, parce qu’on sait qu’ils avaient raison dans le fond.

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