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«Désinviter», censure ou légitimité?

Photo: Radio-Canada

Si Caroline Néron était «désinvitée» d’un congrès sur l’entrepreneuriat après qu’on eut appris ses déboires financiers, dirait-on qu’elle est censurée? Régulièrement, des gens sont désinvités sans qu’on crie pour autant à la censure. Récemment, l’organisateur des manifestations contre SLĀV, Lucas Charlie Rose, a été désinvité de Tout le monde en parle. Seul le journal The Gazette en a parlé.

Beaucoup plus d’encre a coulé pour dénoncer le retrait de Nadia El-Mabrouk d’une tribune relativement moins importante qu’une émission qui réunit un million de téléspectateurs. Selon plusieurs, il s’agirait d’un autre cas de censure par des militants radicaux incapables d’entendre des propos allant à l’encontre de leurs convictions, particulièrement en ce qui a trait à la liberté religieuse.

Pourtant, selon un témoin qui a participé à la décision d’exclure Nadia El-Mabrouk du colloque de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal et qui a fait le compte rendu des événements dans Le Devoir, c’est plutôt son discours sur les enjeux trans qui aurait disqualifié la professeure d’informatique aux yeux des membres, qui ont ainsi refusé de lui donner une tribune, précisément sur les droits des enfants et les cours d’éducation à la sexualité.

Dans un texte publié en mai dernier dans La Presse, Nadia El-Mabrouk écrivait: «On nous présente une “fille trans” de 14 ans, autrement dit un garçon, qui explique être une fille…» Cette phrase serait à l’origine du malaise. Ce texte, qui contient plusieurs autres affirmations allant à l’encontre des connaissances actuelles en matière d’identité de genre, a été décrié par plus de 30 intervenants et organismes travaillant avec les personnes trans et ayant une expertise scientifique ou juridique sur les questions liées au genre.

S’il vous paraît excessif de retirer d’une tribune quelqu’un qui s’obstine à ne pas reconnaître le genre auquel une personne s’identifie, c’est peut-être que vous n’êtes pas au courant des développements législatifs à cet égard.

En juin 2016, l’Assemblée nationale adoptait à l’unanimité la Loi 103, visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer la situation des mineurs transgenres. Cette loi inscrit dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne l’identité de genre et l’expression de genre comme motifs de discrimination. En vertu de cette loi, une école qui empêcherait une jeune fille de porter la jupe de l’uniforme scolaire parce qu’elle considère que c’est un garçon, par exemple, se trouverait en infraction. Plusieurs commissions scolaires ont ainsi ajusté leurs règlements en conséquence.

La phrase de Nadia El-Mabrouk n’est pas illégale, mais à l’heure où le milieu scolaire se conforme aux dispositions visant à protéger les élèves trans, est-ce vraiment pertinent d’inviter quelqu’un qui prône une approche discriminatoire et contraire à ce qui a été voté unanimement par nos élus? C’est la légitimité de Nadia El-Mabrouk à s’exprimer sur un sujet sur lequel elle ne semble pas à jour qui est en cause ici. Pour le reste, Nadia El-Mabrouk peut continuer d’exercer sa liberté d’expression, notamment dans la tribune que lui offre régulièrement La Presse, un privilège dont aucune personne trans ne connaît d’équivalent actuellement au Québec.

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