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Le p’tit magasin mauve

Sylvain Ménard

J’aime les petits magasins et j’aimerais qu’on puisse en ouvrir tout plein. Malheureusement, ils ont plutôt tendance à disparaître. Pour moi, il n’y a rien comme entrer dans une boutique, saluer les gens qui y travaillent et savoir qu’ils me rendront la pareille. J’aime ces lieux au contact direct où je me sens parfaitement en confiance et où je sais que mon achat fera une différence. J’aime les petits commerces qui n’ont rien à cirer des vendredis fous, qui ferment parfois de bonne heure pour des raisons familiales et qui transpirent l’humanité.

Mon petit magasin préféré à moi, c’est le Fox-Troc, une boutique de disques usagés sur l’avenue du Mont-Royal. Une institution. Le Fox-Troc va fermer bientôt, après presque 30 ans d’existence et de loyaux services auprès de ses habitués. On ne sait pas encore à quelle date, ça dépend de quand vont commencer les rénovations de la bâtisse récemment vendue. Le rez-de-chaussée était devenu, au fil du temps, la seconde demeure des frères Prud’homme ainsi que le point de rencontre d’une joyeuse bande de mauvais compagnons, comme le disait Plume dans une de ses chansons.

Dans un monde où les rituels fuient comme les gouttes d’eau d’un robinet en fin de vie, le Fox-Troc était pour moi un détour obligé. Pour parler de musique avec de vrais connaisseurs, mais également de hockey, de football, de cinéma, de télé, de politique municipale, de stationnement compliqué et de nos vies de vieux ados attardés.

C’est dans cette bulle, où le temps suspendait son vol, que j’allais retrouver mon grand chum Marco, l’être le plus drôle de l’univers. Quand j’étais chanceux, je tombais aussi sur Jean-Marc, le gentil prof de photo qui a littéralement tout vu, tant à côté de sa lentille que derrière. Souvent, quand la lumière du jour sombrait, Yvan le nocturne débarquait avec son recueil de jokes douteuses à souhait. Sans parler du reste du régiment, composé de sympathiques avocats de taverne sans taverne et autres obstineux de passage qui trouvaient, sur le bord du comptoir-caisse, un ultime terrain pour en découdre à propos de tout et de rien.

Dans quelques mois, tout cela sera chose du passé. La gang va me manquer et le progrès effacera toute trace de mon petit magasin préféré. Parmi la multitude de petits locaux déserts sur les artères commerciales de Montréal, il y aura une autre vitrine qui s’ajoutera au vide sidéral sur le Plateau.

Les guitares miniatures qui la décorent depuis toujours auront été rangées dans leurs boîtes, la devanture mauve sera repeinte d’une autre couleur et j’aurai le blues de tout.

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Toute la semaine, on soulignera les événements du 6 décembre 1989. Une date qui me laisse toujours sans mots. Je me souviens de tout. Du bulletin de nouvelles, du choc, de l’étourdissant bruit du silence quand je suis allé faire une marche dehors parce que j’étouffais littéralement. Encore une fois cette année, je vais observer un moment de silence. L’absence de ces 14 femmes en dit bien plus que je ne saurais en ajouter.

Toute la semaine, on soulignera les événements du 6 décembre 1989. Une date qui me laisse toujours sans mots.

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Vu: Les derniers vilains de Thomas Rinfret, un très bon documentaire qui revient sur le monde de la lutte des années 1950, 1960 et 1970 en empruntant le chemin parcouru par les frères Maurice et Paul Vachon. Des «beaux écœurants», comme ma défunte mère les appelait à l’époque. Paul, dernier survivant du clan et maintenant tout courbé par le poids de ses 82 ans et de ses années dans le ring, nous raconte tout ça avec une touchante candeur. Sa vie de gladiateur, ses enfants perdus en chemin, son admiration pour son Mad Dog de grand frère. Pour l’homme, qui fait maintenant la tournée des marchés aux puces entre deux séjours à l’hôpital, l’heure est aux bilans. C’est présenté au Beaubien dès vendredi.

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