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Un fromager suisse s’essaie à l’affinage musical de son emmental

Photo: Fabrice Coffrini/AFP

La musique, dit-on, adoucit les moeurs mais adoucit-elle le fromage? C’est la question que s’est posée un producteur d’emmental suisse, qui, aidé par la Haute école des arts de Berne, a décidé, pour le savoir, d’affiner ses fromages en musique.

Quand le visiteur entre dans la cave de Burgdorf, petite ville également baptisée Berthoud dans ce canton bilingue de Berne, le parfum du fromage en pleine maturation titille le nez.

Dans un coin de cet ensemble voûté datant de 1853, neuf caisses en bois ouvertes sont installées avec à l’intérieur de chacune une meule d’emmental d’environ 40cm de diamètre.

Jusqu’ici, rien d’anormal, mais l’oreille capte vite des sons emm��lés et lorsqu’on s’approche de plus près des fromages, on aperçoit un petit dispositif de sonorisation placé en-dessous des emmentals.

Depuis septembre, un projet étonnant est ici en cours. Nom de code: «Sonoriser le fromage, expérience entre son et gastronomie».

L’instigateur de cette initiative s’appelle Beat Wampfler, vétérinaire et fromager passionné qui s’est un jour demandé si les sons, la musique ne pouvaient pas modifier le goût de ses meules.

«Les bactéries sont responsables de la formation du goût du fromage, avec les enzymes qui influencent la maturation, et je suis convaincu que l’humidité, la température ou les nutriments ne sont pas les seuls éléments à avoir une influence sur le goût mais que les sons, les ultrasons ou la musique peuvent aussi avoir des effets physiques», explique M. Wampfler à l’AFP, ajoutant: «après, est-ce que le fromage aura un meilleur goût, c’est difficile de le dire».

Led Zeppelin ou Mozart
Le fromager curieux a proposé à la Haute école des arts de Berne (HKB) de l’aider à mener l’enquête.

«Nous avons examiné la question», raconte Michael Harenberg, directeur de la filière musique de la HKB. «Au départ, nous étions plutôt sceptiques et puis nous avons découvert qu’il existait un domaine que l’on appelle la sonochimie et qui s’intéresse aux influences des ondes sonores, à l’effet des résonances sur des corps solides».

Des étudiants ont donc mis en place un protocole expérimental. Chaque boîte a son style: un emmental est bercé par La Flûte enchantée de Mozart, un autre est nourri à la techno, tandis que ses voisins vieillissent au son de Stairway to Heaven de Led Zeppelin ou d’un morceau de hip-hop du groupe new-yorkais A Tribe Called Quest. Et bien sûr, un fromage référence n’est pas sonorisé.

Avec ce dispositif, «nous pouvons étudier la chose de manière large», estime M. Harenberg, ajoutant: «nous essayons d’opérer dans différentes directions afin de tenter de répondre à la question: y a-t-il quelque chose à la fin de mesurable? Ou quelque chose qui a un effet sur le goût?»

Le projet s’intègre en fait dans un programme lancé l’an passé par la Haute école de la capitale suisse, «HKB touche terre», et dont l’idée est de faire se rencontrer les différents mondes qui constituent ce canton à la fois urbain et agricole.

«Un peu effrayés»
Son directeur, Christian Pauli, aujourd’hui rigole: «nous n’aurions jamais pensé nous retrouver un jour dans la cave d’affinage de Burgdorf à nous préoccuper de fromages».

Quand il a été question de travailler avec M. Wampfler sur ce projet, «au début, on était un peu effrayés», se souvient M. Pauli.

«On s’est dit: du fromage avec de l’art, vraiment? Nous, associés à une expérience sur le fromage? On a pensé que les gens allaient vite se dire: ah oui, la Suisse avec son fromage…»

Au final, il a dit oui, convaincu par le fromager, son enthousiasme, mais aussi par le fait que finalement, oui, le fromage faisait partie de la réalité suisse et qu’un rapprochement entre l’art et l’agriculture pouvait être «passionnant».

Les emmentals vont désormais vieillir en musique pendant plusieurs mois et le 14 mars, au terme de l’affinage, ils seront dégustés par un jury d’experts.

Beat Wampfler a déjà sa préférence: «j’espère que le fromage hip-hop sera le meilleur, cela me plairait car ainsi on aurait une possibilité d’entrer en contact avec les jeunes».

«Et peut-être des gens qui aujourd’hui ne s’intéressent pas au fromage pourraient ainsi prendre du plaisir et en acheter».

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