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Marathon: le modèle «Vaporfly» de Nike fait débat

Vaporfly Nike
Au rang des chaussures «qui courent vite» en marathon, les Nike ont détrôné les Adidas, qui avaient permis à l'Ethiopien Haile Gebrselassie de passer sous les 2 h 04 min en 2008. Photo: Pavel1964 / IStock.com
Agence France-Presse - Relaxnews

Des meilleurs athlètes aux simples coureurs amateurs, beaucoup auront aux pieds la même paire de chaussures dimanche dans les rues de New York pour le marathon le plus populaire du monde : les «Vaporfly» de Nike, un modèle qui bat autant de records qu’il suscite d’interrogations.

Le 12 octobre, le Kenyan Eliud Kipchoge, recordman du monde du marathon, bouclait les 42,195 km en 1 h 59 min 40 sec, brisant la barre symbolique des deux heures sur la distance reine du fond, dans une course non-homologuée où tout avait été mis en place pour la performance.

Tout… jusqu’aux chaussures : Kipchoge portait un nouveau prototype de «Vaporfly», la basket phare de Nike pour le marathon, avec à l’intérieur de la semelle trois lames de carbone et quatre coussins d’air.

Le lendemain, sa compatriote Brigid Kosgei explosait à Chicago le record du monde féminin sur la distance en 2 h 14 min 04 sec, l’améliorant de 81 secondes, les mêmes baskets aux pieds, dans leur version commercialisée depuis 2017 (une seule lame de carbone dans la semelle).

«Quand on les porte, on est basculé vers l’avant du pied. C’est un peu comme des chaussures à pointes, tout de suite, on a envie de courir», explique à l’AFP Pierre-Jean Vazel, entraîneur de nombreux athlètes de haut niveau, qui a testé le modèle. «En plus, il y a un renvoi élastique lors de l’appui, lié aux propriétés mécaniques de la chaussure. Ce serait exagéré de comparer ça à un ressort, mais il y a une meilleure absorption des chocs qui permet d’économiser de l’énergie.»

Ultra-domination

Au rang des chaussures «qui courent vite» en marathon, les Nike ont détrôné les Adidas, qui avaient permis à l’Éthiopien Haile Gebrselassie de passer sous les 2 h 04 min en 2008, ou encore au Kenyan Dennis Kipruto Kimetto de casser la barrière des 2 h 03 min six ans plus tard.

Mais aux Jeux de Rio, en 2016, c’est bien le modèle de la marque à la virgule que portaient les trois marathoniens médaillés chez les hommes. Les «Vaporfly» étaient également aux pieds de huit des dix vainqueurs, hommes et femmes confondus, des 5 marathons majeurs en 2019 (Tokyo, Boston, Londres, Berlin et Chicago), en attendant New York dimanche.

Une ultra-domination qui interroge parmi les athlètes. Le 15 octobre, le journal britannique The Times révélait que des athlètes avaient saisi la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), arguant que la chaussure donnait un avantage «injuste» à ceux qui la portaient.

«Quand un fabricant met plusieurs lames de carbone dans la semelle, avec des coussins d’air, ce n’est plus une chaussure, c’est un ressort», réagissait quelques jours plus tard sur Instagram Ryan Hall, le recordman des États-Unis sur semi-marathon. «Et ça donne un avantage clair à quiconque porte ces chaussures.»

De quoi permettre à Kipchoge de gagner les précieuses secondes qui lui manquaient pour passer sous les deux heures? «On peut imaginer que ça l’a aidé, mais c’est impossible de savoir à quel point», relativise Pierre-Jean Vazel, rappelant qu’à l’inverse, des records ont déjà été battus pieds nus. «Du point de vue scientifique, il faudrait qu’on puisse comparer toutes choses égales par ailleurs, et là on ne peut pas. En plus, les athlètes ne réagissent pas de la même manière à des innovations techniques. Certains vont voir leurs performances vraiment s’améliorer, d’autres pas du tout.»

Démonstration technologique

La Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), dont le règlement est très flou sur la question, a mis en place un groupe de travail pour «encourager le développement et l’utilisation de nouvelles technologies tout en préservant les caractéristiques fondamentales du sport».

En attendant, les «Vaporfly» aux épaisses semelles et aux couleurs fuchsia, vendues 330$ la paire, ont envahi les pelotons des marathons, bien au-delà des coureurs d’élite. Et les exploits de Kipchoge et de Kosgei font office de publicité pour la marque.

Pour Virgile Caillet, le délégué général de l’Union sport et cycle, qui représente 1400 entreprises du monde du sport, c’était d’ailleurs tout l’enjeu du challenge pour passer sous les deux heures.

«Il s’agit d’une démonstration technologique plus que d’une performance sportive. Nike avait besoin de retrouver cet ADN de performance, qu’on perd petit à petit quand on est une marque portée par la majorité du peloton. Là, on est sur le modèle de la F1: on utilise ce genre de démonstration pour vendre des voitures.»

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