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L’apogée de la cryptographie ?

Photo: istock

Avec l’avènement des cryptomonnaies et des chaînes de blocs, la science de l’écriture secrète s’est subitement imposée dans nos conversations de tous les jours. Il est intéressant de se familiariser avec ces techniques, de se pencher sur leur histoire, en particulier celle des personnes qui ont cherché à saisir la puissance de la cryptographie, comme l’expliquait en Comité sénatorial à Ottawa Nolan Bauerle, directeur de recherche pour la société américaine spécialisée CoinDesk.

Avec l’échange des données sensibles, il est naturel de s’interroger sur les moyens de sécuriser les communications.

L’un des moments déterminants dans l’histoire de la cryptographie est survenu lors de la Seconde Guerre mondiale, avec le décryptage par Alan Turing de la machine de Lorenz (Enigma) des nazis. Les gouvernements ont ainsi pris conscience de l’utilité et de la nécessité de contrôler la prolifération de la cryptographie.

«Les techniques regroupées sous ce vocable sont alors apparues comme des armes, et les gouvernements ont fortement limité leur développement commercial. Dès lors, l’utilisation de la cryptographie a été réservée aux militaires et, pour l’essentiel, à la NSA», a fait remarquer Nolan Bauerle.

L’ère numérique a cependant contraint les décideurs à abandonner l’assimilation de la cryptographie à des armes, car il est devenu nécessaire de déployer ces techniques dans le domaine commercial pour permettre aux gens d’utiliser les ordinateurs.

Un mouvement de cryptographes particulièrement soucieux de l’intimité et de la liberté personnelle a émergé dans les années 1990 (les Cypherpunks) pour contrebalancer le pouvoir des autorités ou des grandes institutions financières. Si leurs recherches se sont poursuivies dans une discrétion toute relative, leurs idées ont ressurgi avec vigueur lors de l’éclatement de la crise financière.

«Certaines personnes qui ont tout particulièrement contribué à faire évoluer cette approche jouent toujours un rôle essentiel dans le secteur des cryptomonnaies. On peut citer ici en particulier Adam Back, PDG de la société montréalaise Blockstream, l’une des plus importantes dans notre secteur d’activité», indique le directeur de recherche de CoinDesk.

Mais la cryptographie a dû emprunter une voie de contournement pour permettre aux méthodes de cryptage de passer elles aussi du statut de munition à celui d’outil commercial. Ce sont les banques et les autres prestataires de services d’information qui gèrent pour nous nos besoins de cryptographie.

«Au lieu de s’exercer eux-mêmes à l’utilisation des clés privées, les utilisateurs échangent le nom de jeune fille de leur mère ou celui de leur chien plutôt que des clés de chiffrement. Cette façon de procéder fait maintenant l’objet de vives critiques. Un grand nombre des atteintes à la vie privée dont vous entendez parler et tous les piratages à grande échelle ont été rendus possibles par des vulnérabilités imputables à la simple introduction d’une tierce partie dans nos modalités d’authentification cryptographique», souligne Nolan Baueler.

Et le développement le plus récent dans l’histoire de la cryptographie n’est autre que l’invention de Bitcoin, qui a d’emblée envoyé un message d’alerte: les prestataires de services sont tenus de recueillir plus de renseignements privés que nécessaire pour être en mesure d’exécuter des transactions.

«La technologie des bitcoins a résolu ce problème d’authentification en confiant les clés cryptographiques aux utilisateurs et aux personnes. La possession d’une clé cryptographique revient à la possession de bitcoins», insiste-t-il.

Les implications de ce changement constituent «une révolution», affirme le chercheur en chef de CoinDesk, révolution qui a été accompagnée d’une innovation majeure dans la sécurité matérielle des clés cryptographiques.

Les premières personnes à avoir adopté le bitcoin ont en effet réalisé qu’elles devaient gérer leurs propres clés, ce qui a conduit à la création du marché des portefeuilles numériques pour entreposer et générer des clés.

«Ce marché a favorisé l’apparition d’excellents moyens pour assurer la protection des renseignements personnels. La seule solution pour l’avenir est d’appliquer à plus grande échelle la logique utilisée pour l’authentification des bitcoins», épingle Nolan Baueler.

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