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Below Her Mouth: L’amour c’est l’amour

Photo: Entract Films

Avec Below Her Mouth, la réalisatrice canadienne April Mullen donne corps au slogan «Love is Love».

Rédactrice dans un magazine de mode, l’élégante Jasmine déménage dans un chic quartier de Toronto avec son fiancé. Un soir que ce dernier est en voyage d’affaires, elle sort avec une copine dans une «soirée de filles». C’est là qu’elle rencontre Dallas, une jeune femme marginale au charme magnétique, qui brise des cœurs en série. La série de moments qu’elles vivront, elles, ensemble sera passionnelle, Jasmine comprenant vite que malgré ses «efforts», il ne sert à rien de lutter contre une attirance aussi forte.
Pour porter à l’��cran ce premier scénario de Stephanie Fabrizi, April Mullen s’est entourée d’une équipe composée exclusivement de femmes. «J’espère que notre film servira d’exemple et permettra de faire comprendre que, oui, on peut changer les choses.»

Avec ce titre – Below Her Mouth ou Sous ses lèvres en version française –, souhaitiez-vous mettre de l’avant l’idée de la sexualité au féminin sans tomber dans l’évocation poético-floue?
À 100 %. Nous avions un but : poser un regard féminin sur le désir, sur l’intimité, sur le sexe. Et on voulait le faire de façon audacieuse. Pas à moitié. Proposer quelque chose de fort, d’honnête, qui ne demande pas la permission. Ne serait-ce que dans notre façon de filmer les jouets sexuels; comme des choses qui font naturellement partie de la vie de ces femmes. Et le titre suit cette même idée.

Dans une scène où elle se souvient de son passé, Dallas confie à Jasmine : «Mon père m’a toujours dit qu’on ne peut pas contrôler qui on aime.» Est-ce l’une des choses principales que vous souhaitiez transmettre?
J’adore cette réplique! C’est vraiment l’idée de «Love is love». Elle sous-entend qu’on n’a pas toujours prise sur nos émotions. Et que si on rencontre une personne avec qui on partage un lien fort, on devrait faire tout ce qui est en notre pouvoir pour être avec elle.

En surprenant Jasmine avec Dallas, dans une frénétique scène d’amour, son fiancé lui lance : «Tu ne m’as même pas remarqué, planté là dans le cadre de porte. Tu étais complètement partie.» Est-ce ce que vous avez voulu faire ressortir chez vos actrices, ce sentiment d’être complètement perdu dans le désir?
En effet. Ce film, c’est une tranche de vie, la représentation d’un moment magique. La première fois que j’ai lu le scénario, je me suis sentie comme dans cet instant où l’on plonge du tremplin, où l’on se trouve dans les airs, juste avant de toucher l’eau. Il n’y a pas d’explosion, d’effet en 3D, de tournant, de moment décisif, d’apothéose. C’est simplement un instantané de l’amour. C’est pourquoi je voulais que les spectateurs puissent s’abandonner eux aussi, qu’ils changent de perception, se souviennent d’un grand amour, d’un être cher. Car ces émotions sont universelles.

Dans votre réalisation, vous insistez sur l’aspect naturel : les respirations, les silences, la lumière… L’élément qui ajoute peut-être au tout son aspect «cinématographique», c’est la musique. C’est lorsqu’elle joue qu’on se sent «devant un film». Était-ce l’effet recherché?
La musique est un personnage. Elle ne fait jamais de l’ombre aux moments que partagent les filles, mais elle sert à amplifier, ou à contredire, les émotions qui les traversent. En ce qui concerne les groupes que nous avons choisis, ils étaient surtout canadiens, inconnus et indépendants. Nous souhaitions trouver des airs particuliers pour Dallas, rafraichissants, avant-gardistes et métalliques. Pour Jasmine, on a opté pour des airs plus légers, harmonieux, féériques presque. Et, combinées, leurs contradictions créent cette bande-son qui amène, selon moi, l’histoire ailleurs.

Il y a beaucoup de contrastes dans vos éclairages. Toronto de nuit, les partys, le Filmores Hotel. Puis Toronto de jour, les ruelles illuminées, la lumière naturelle. Pour diviser le film?
Dès le départ, j’ai voulu choisir des lieux en fonction de leurs fenêtres. Je voulais tourner, de jour, à ce moment idéal où la lumière est, elle aussi, idéale. Je ne voulais pas utiliser beaucoup d’équipement. Je voulais que tout rentre dans une minivan et que ce soit authentique, naturel, cru. Ça permettait aux actrices d’avoir beaucoup plus de liberté de mouvement, car elles n’étaient pas réduites à des cadres complexes. On ne voulait pas trop éclairer les corps; on voulait leur permettre d’entrer et de sortir des ombres, d’être naturels, organiques. Pour ce qui est de la nuit, on voulait rendre Toronto vivante, et faire ressortir la personnalité et le charme de Dallas grâce aux néons.

Vous jouez avec les contrastes de lieux aussi, plaçant le couple formé de Jasmine et de son fiancé dans les mêmes endroits que celui de Jasmine et de Dallas. La voiture, la terrasse, le bain. Et dans ces mêmes lieux, les émotions sont complètement différentes. L’état de bien-être des personnages est fort différent aussi, non?
Des petites nuances comme ça, il y en a tout plein à l’écran. Parce que c’est ce dont il est question : de la façon dont tout notre univers peut complètement changer suivant la personne avec qui on se trouve. Par exemple, cette petite traversée en bateau, toute simple, quand elles reviennent de Toronto Island. C’est le paradis pour elles! Parce que ça vient avec le sentiment de liberté, d’acceptation, de laisser-aller. Quand on ressent ce genre de connexion avec quelqu’un, on pourrait carrément être assis sur une boîte de carton ensemble, et on ne manquerait de rien, parce que tout ce dont on a besoin est juste là. Je voulais montrer ces moments de tendresse pour que les spectateurs puissent en être des témoins silencieux.

«Tous les films n’ont pas besoin d’avoir des équipes féminines. Mais pour le nôtre, ça marchait parfaitement.» – April Mullen, réalisatrice

Par moments, votre long métrage a un côté très stylisé, Jasmine travaillant dans un magazine de mode. Vous êtes-vous inspirée de cet univers?
Énormément. Ça fait partie de sa personnalité, de son côté artistique. Cela dit, ce sont deux femmes qui ne se préoccupent pas de leurs métiers respectifs, de leurs classes sociales. Rien n’a d’importance! Elles se rencontrent, se font instantanément confiance,
ne portent aucun jugement.

C’est pourquoi votre film s’ouvre sur une scène d’amour qui débute dans le noir complet et où les respirations sont amplifiées?
Voilà. C’est la première scène, et, d’emblée, on dit : ce sera ça, notre film. Si vous êtes partants, c’est exactement ce que vous aurez. Embrassez-le! Attachez votre ceinture, on démarre.

Dallas propose une définition qui semble si simple d’un concept difficile, soit l’amour toxique. «Je suis toxique pour toi, parce que je ne t’aime pas de la façon dont tu m’aimes.» Trouviez-vous qu’il y avait tout dans ces quelques mots?
Hm, hm. C’est tellement tragique quand l’amour est à sens unique, ou que deux personnes ne s’aiment pas équitablement. J’ai l’impression que, parfois, certains restent dans des situations ou dans des relations parce qu’ils ne veulent pas blesser l’autre, lui dire honnêtement comment ils se sentent, leur affirmer clairement que ce ne sera jamais possible. C’est si difficile à faire que lorsque Erika Linder [qui incarne Dallas] devait jouer cette scène où elle dit à son ex qu’elle ne l’aime pas, elle a paniqué. Elle me disait : «Je ne peux pas dire ça! Je ne peux pas prononcer ces mots! Je ne t’aime pas comme tu m’aimes! C’est trop dur!» Et je lui disais : «Je sais. C’est pour ça que c’est parfait.»

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