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A Quiet Passion: Emily Dickinson, poétesse solitaire

Photo: Collaboration spéciale

Le réalisateur acclamé Terence Davies discute avec Métro de A Quiet Passion, son nouveau film très drôle (puis très, très triste) sur Emily Dickinson.

Terence Davies a des opinions bien arrêtées. Grincheux, têtu et muni d’un penchant pour le mot «horrible», le cinéaste britannique n’aime pas beaucoup de choses. Mais ce qu’il aime, il l’adore. Il adore les vieux films. Il adore la littérature classique. Il adore faire des films – comme The Long Day Closes, The Deep Blue Sea et Sunset Song – qui semblent provenir d’une autre époque. Ce sont des plongeons dans le passé, des films obstinés, autant dans leur formalité que dans leur tragique mélancolie.

Le début comique de A Quiet Passion (Emily Dickinson: L’histoire d’une passion) se distingue des films de Davies. Un aspect humoristique doublement choquant puisqu’on parle de la vie d’Emily Dickinson. Cynthia Nixon interprète la poétesse du XIXe siècle qui n’a jamais connu le succès de son vivant et qui ne s’est jamais aventurée bien loin de sa maison d’Amherst, au Massachusetts. Si sa jeunesse a été heureuse, sa vie a été bouleversée par la perte d’êtres chers – qu’il s’agisse d’amis qui se sont mariés ou de la mort de membres de sa famille. Dès la fin de la première heure, le film retrouve le style habituel de Terence Davies: magnifiquement déprimant.

Métro s’est entretenu avec Davies, 71 ans, à propos de son film qui, pour un moment, est aussi drôle que lui, et sur comment il a révélé à son actrice principale qu’il n’aimait pas Sex and the City.

Vos films ne sont pas connus pour leur côté humoristique, mais la première partie de A Quiet Passion est à mourir de rire.
John Waters m’a dit: «Tu as un talent pour la misère et la mort.» Et c’est vrai! Mais je voulais que ça soit drôle. Ces gens étaient des érudits, ils avaient tout lu. [Dickinson] n’a pas seulement écrit 1 808 poèmes, elle a écrit 3 ouvrages de lettres, bon Dieu! C’était extrêmement cathartique pour elle. Et elle adorait jardiner et improviser sur son piano. Elle n’a peut-être pas visité beaucoup d’endroits, mais elle avait une vie intérieure très riche.

Le fait est que la seconde moitié en fait un des films les plus tristes que vous avez réalisés, ce qui en dit beaucoup.
Je pense que j’atteindrai mon apogée dans mon prochain film: le public meurt. [Rires]

Quand c’est drôle, c’est drôle à la manière d’Oscar Wilde. Tous les personnages sont des pince-sans-rire.
Certains m’ont dit: «Ils sont très théâtraux.» Non, ils ne le sont pas! Ils sont formels. Dans les États-Unis du XIXe siècle, les gens parlaient en y mettant les formes. Ils copiaient l’Angleterre parce qu’il s’agissait du pouvoir dominant, C’est intéressant, car on ne s’attend plus à ce ton formel aujourd’hui. Dieu sait ce que les textos font à notre langue. C’est vraiment terrifiant.

À ce point-ci, je ne sais pas vraiment si notre langage peut empirer…
C’est un peu sinistre. De l’autre côté de la médaille, c’est un langage très administratif. Vous ne dites jamais ce que vous pensez? C’est intolérable. Si j’entends le mot «nuancé» une autre fois, j’étrangle quelqu’un. «Robuste» aussi. Ils sont nombreux à utiliser «robuste» en Angleterre.

Dans la plupart de vos films, un personnage important meurt et le reste du film est hanté par cette absence, ce qui est souvent arrivé à Emily Dickinson.
Elle voulait que sa famille ne change jamais. Je voulais ça aussi, quand j’étais enfant. Je ne comprenais pas pourquoi les gens voulaient partir et se marier avec d’autres personnes. Pourquoi ne pouvons-nous pas rester ensemble? [Dickinson] a tout donné pour les membres de sa famille et elle n’accepte pas qu’ils puissent mourir. C’est là qu’elle commence à être terrifiée, qu’elle réalise qu’elle n’a d’emprise sur rien. Personne n’en a. Tout ce non-sens qu’on entend de nos jours sur les moyens de «maîtriser sa vie», c’est de l’idiotie totale. C’est arbitraire. Tu pourrais sortir d’ici alors qu’un fou se promène et il te poignarderait.

On sait que vous ne regardez pas de nouveaux films, et certainement pas de nouvelles séries télé. Connaissiez-vous Cynthia Nixon avant?
Nous nous sommes rencontrés pour un film qui a été annulé. Je lui ai dit: «Regarde, je dois être honnête: j’ai écouté Sex and the City, mais sans son.» Et elle ne l’a pas mal pris. Ce qui était évocateur, c’est que ses scènes étaient les plus vraies. Mais j’ai dû lui dire que je trouvais que le message de l’émission était néfaste. Tu as tout le temps des relations sexuelles, puis tu sors manger et acheter des trucs. Si c’est tout ce qu’il y a dans la vie, c’est vraiment, vraiment triste.

Qu’est-ce qu’elle a répondu?
Elle a dit: «Eh bien, ce n’est que ton opinion.» Elle était très, très optimiste par rapport à l’émission. Mais je devais lui dire ce que je pensais, sinon ça aurait été malhonnête. Elle aurait pu m’envoyer promener, mais elle ne l’a pas fait.

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