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Col bleu: vue sur la ville

Photo: Maude Soulières/Collaboration spéciale

Tout ce que Stéphanie a, c’est une tuque ayant appartenu à son père, dont elle ne connaît pas le nom, «une mère monoparentale qui braille tout le temps, des aspirations artistiques qui la ruinent et des idéaux sociaux qu’elle ravale». Elle a aussi une question: «Ça va-tu vraiment être ça, la vie?» Et une solution temporaire: devenir Col bleu.

Robert est un ouvrier aussi boute-en-train que bougon, qui compte les secondes avant son dernier jour de travail. Stéphanie est une ancienne carrée rouge qui n’est plus vraiment bercée par ses belles illusions, mais plutôt secouée sans cesse par elles.

Derrière les stéréotypes du mononcle paresseux empoté et de l’artiste idéaliste déprimée, il y a toutefois deux personnages qui dévient sans cesse de la trajectoire qu’on pense qu’ils suivront. Deux personnages aux antipodes qui se lieront d’amitié. D’une profonde amitié.

Car c’est ce que Mara Joly, réalisatrice, co-idéatrice et co-scénariste souhaitait faire avec sa toute première websérie: parler d’amitié. Précision: d’amitié intergénérationnelle.

«Col bleu, c’est une série féministe cachée dans un milieu de gars. une série dans laquelle je suis partie des clichés pour ne pas m’y rendre.» Mara Joly

C’est également une équipe intergénérationnelle qui se retrouve derrière ces cinq épisodes rythmés, bien ficelés, bien dirigés, bien joués. Bien joués par les acteurs cinq étoiles qui ont défilé devant la caméra de Mara.

Parmi eux, Isabelle Vincent, parfaite en mère égocentrique narcissique qui se vante d’avoir «encore une vie sexuelle active». Qui s’inquiète lorsque sa fille ne se sent pas bien. Qui s’inquiète pour elle-même, devrait-on préciser. «Fais-tu une dépression? Dis-moi que tu ne te suicideras pas. Je veux profiter de ma retraite.»

Et puis, Normand D’Amour, qui incarne un col bleu semi-salaud, semi-séducteur. Qui ne lésine pas sur les blagues machistes, sexistes, racistes. «On pense que c’est un sale type, remarque Mara. Mais à la fin, il casse. Et il y a de l’espoir, de l’ouverture. Quelque chose peut se passer.»

Sans oublier Luc Senay, qui enfile le dossard du vétéran mentionné au départ, celui qui bientôt partira à la retraite, qu’il imagine à tort dorée. Et Émilie Leclerc-Côté, l’actrice jouant la jeune peintre qui devient sa collègue.

C’est d’ailleurs dans l’esprit de cette dernière qu’est née l’idée de la série. Elle connaissait un col bleu travaillant à la Ville. Et elle avait emmagasiné, de ce fait, «beaucoup d’anecdotes vraiment amusantes».

Émilie est entrée en contact avec Mara grâce au réalisateur Éric Tessier, qui l’avait dirigée dans la série Pour Sarah. «C’était l’été avant le 375e, on parlait beaucoup de cônes orange dans les médias, encore plus que d’habitude», se souvient mademoiselle Joly.

Durant cet été de cônes, les deux jeunes femmes ont consulté la productrice Judith Brès, de TV5, qui a fini par diffuser Col bleu sur son site. Elles voulaient faire un court métrage. La productrice leur a plutôt conseillé de faire une série web. «Une série web?!» a à son tour fait Mara.

Celle-ci avait déjà signé des courts métrages. Pour vrai, film bouleversant sur le viol conjugal. Et Finger Night, film humoristique, cette fois, mettant en scène les fingers du titre, soit des doigts. Et traitant du retrait du préservatif sans l’accord du partenaire.

Ces deux œuvres ont été présentées dans les festivals. La cinéaste a même remporté un prix au festival REGARD, au Saguenay, pour la seconde. Mais elle n’imaginait pas encore, à ce moment être capable de «réaliser un 45 minutes».

Elle a réussi. En sept jours et demi bien serrés, la série était tournée. Puis, montée par David Émond-
Ferrat, qui a mis en lumière toute la force du texte (et son super timing comique).

Pour la petite histoire: la websérie à petit budget (très petit) a été la première fiction produite par Saint-Laurent TV. Soit la compagnie fondée par le rappeur Lou Bélanger et Rafael Perez, le président de Coyote Records. Soit l’étiquette de disques d’Antoine Corriveau et de Karim Ouellet, entre autres.

Quand Mara leur a dit: «Je veux réaliser une série qui parle de quotas ethniques! De sexisme! De corruption!», la réponse ne s’est pas fait attendre. «Ouais! On y va!»

Portée par un côté «grand public, très accessible, mais avec un propos», Col bleu, c’est principalement l’histoire de deux êtres qui se rencontrent, se confrontent, se font réfléchir, s’entrechoquent. «Deux êtres perdus qui s’aident à se ressaisir et à se recentrer», résume la cinéaste de 32 ans.

Deux êtres qui s’étonnent aussi. Elle qui se croit tellement plus ouverte d’esprit, tellement plus progressiste. Mais qui se rend compte qu’elle est pleine de préjugés.

En voyant par exemple une photo de deux jeunes hommes chez son collègue plus âgé. C’est-tu tes fils? «Celui qui est à gauche, c’est mon garçon, Bob junior, et l’autre c’est son fiancé, Steven.»

Mentionnons pour conclure que la globe-
trotteuse et amoureuse de Montréal qu’est Mara n’a pas voulu dresser un portrait négatif de la ville qu’elle chérit tant.

Au-delà des chantiers, des nids-de-poule, des loyers qui ne cessent d’augmenter, sa websérie est un hommage. À l’ouverture de la métropole, à son ambiance, à ses gens, à ces employés qui ont du cœur.

Info

Col bleu
Cinq épisodes à visionner en ligne au tv5.ca

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